La Marne (édition Meaux)

David Serero, de Chelles jusqu’à New-York, itinéraire d’un artiste aux mille facettes

Chanteur d’opéra, réalisateu­r... David Serero, qui a grandi à Chelles, a plusieurs vies. Elles l’ont mené jusqu’aux États-Unis, où il a reçu la médaille de la Ville de New-York. Il revenait à Chelles le 6 avril pour présenter son dernier film, Rocancourt.

- • Paul VARENGUIN

C’est l’histoire d’un enfant du pays qui a réussi à voir grand et à dépasser les frontières. Cet enfant, c’est David Serero.

Son nom ne vous dit peutêtre rien, pourtant il fait rayonner le nom de Chelles à travers le monde. Comédien, réalisateu­r ou encore chanteur d’opéra, véritable caméléon du monde artistique, David Serero est revenu dans la ville qui l’a vu grandir samedi 6 avril pour présenter, au cinéma Étoile Cosmos, son tout dernier film, Rocancourt, qu’il a réalisé. Il y raconte l’histoire de l’arnaqueur des stars.

Rencontre avec David Serero, qui garde un profond attachemen­t pour Chelles.

Un enfant de Chelles

➜ Vous avez grandi à Chelles. Quel souvenir gardez-vous de cette ville ?

Pour moi, c’est un vrai privilège d’avoir grandi ici. C’est la meilleure université du monde ! C’était dans les années 1980, dans une époque où les gens qui y vivaient venaient du monde entier, il y avait beaucoup d’entraide, de mélanges... Tout ça a fait l’homme que je suis aujourd’hui.

J’en garde des souvenirs extraordin­aires, avec de la joie, des rires... J’ai aussi pu avoir les armes pour me défendre dans la vie d’adulte. C’est dans mon ADN, je n’aurais pas eu le même comporteme­nt, ni les mêmes armes si je n’avais pas grandi ici.

Quant au cinéma Cosmos de Chelles, j’ai aussi ma petite histoire avec ce lieu. C’est ici que je suis allé au cinéma pour la première fois, c’était pour voir Les Visiteurs. C’est aussi ici que j’ai embrassé, pour la première fois, une fille. C’était devant Dracula.

➜ Vous avez ensuite vu plus large et êtes allé jusqu’aux États-Unis...

Oui, j’ai eu un cheminemen­t d’abord vers Paris, puis vers New-York, aux États-Unis. En 2021, j’ai même reçu la médaille de la Ville pour ma contributi­on à la vie culturelle newyorkais­e. À ce moment-là, la première chose à laquelle j’ai pensé, c’est Chelles. J’en ai parlé dans mon discours.

J’ai aussi repensé aux posters que j’avais dans ma chambre, que je partageais avec mon frère. C’était un beau moment. J’ai aussi été fait citoyen d’honneur de Chelles, en septembre 2022. Là aussi, c’était un beau moment.

L’art au pluriel

➜ Vous avez plusieurs cordes à votre arc : musique, chant, cinéma... D’où vous viennent ces multiples passions ?

Mon amour pour la musique est né d’un professeur. C’est la même chose pour le français. C’est comme ça qu’une passion est née, en moi, pour les textes d’Edmond Rostand, de Molière ou encore d’Alexandre Dumas... Mon côté un peu fou vient de Chelles.

Je me souviens d’ailleurs d’un professeur qui m’avait demandé d’être sage toute la semaine. Si je le faisais, elle m’avait dit « la dernière heure du vendredi, tu iras sur l’estrade et tu feras ton spectacle ». Je m’inspirais alors des films que j’avais vus, de spectacles, d’objets... C’est là que tout a commencé. Et c’est pour ça, aussi, qu’il me paraissait nécessaire d’organiser une projection à Chelles.

➜ Justement, vous veniez présenter Rocancourt, le film. Pouvez-vous en dire un peu plus sur ce projet que vous avez réalisé ?

Comme son nom l’indique, le film parle de Christophe Rocancourt. On y suit son parcours de vie exceptionn­el, mais on découvre aussi une histoire triste, derrière. J’ai voulu raconter son histoire, qui passe par plusieurs pays, jusqu’à l’enfer carcéral.

Il est passé par une complexité extraordin­aire, il se fait par exemple passer pour le fils de Rockefelle­r... Il se glisse dans la peau d’un personnage, il plante le décor autour de lui, il est le scénariste de sa propre affaire.

On a aussi tourné des scènes très fortes autour du personnage de son père.

➜ Pourquoi avoir choisi de parler de cette personne particuliè­rement ?

Son parcours est aussi une énigme, et impression­ne. Il raconte avoir grandi avec un père alcoolique, une mère qui se prostitue, puis qu’il va en famille d’accueil, et que, plus tard, il est recueilli par des prostituée­s...

Aussi, on est tous un peu Rocancourt : on cherche tous une meilleure version de soi-même. Son livre est aujourd’hui culte et peut avoir un impact sur la culture urbaine. Les jeunes de banlieue souffrent du regard sur eux-mêmes, et peuvent s’identifier à lui. De là où il est parti, il a eu un moment de brillance. Ce petit mec a pu berner tout le monde, même s’il n’est pas du tout un Robin des bois.

Il a d’ailleurs dit des choses assez fortes, comme « Ne me jugez pas, les tribunaux s’en sont déjà chargé ». On peut dire de lui que « certains rêvent de plusieurs vies, un homme a choisi de toutes les vivre ».

➜ Comment vous sentiez-vous juste avant de présenter votre film ?

Je pars confiant. C’est un film que j’ai monté moi-même, et j’en suis très ému, c’est un mélange de styles. C’est un film français, dont l’histoire commence en Normandie, avec un rythme américain.

C’était le cinquième film que je réalisais, et cela me permet de faire mieux à chaque fois. J’avance sur plein de projets à la fois, et ça m’apprend plein de choses : les effets spéciaux, le travail des couleurs, le montage... Un film est un mélange de tous ces apprentiss­ages, et c’est beaucoup d’émotions. Un bon film doit vous faire ressentir des choses.

Et la suite...

➜ Vous avez d’autres projets pour le cinéma ?

Je pars toujours sur des films qui racontent l’histoire de personnes qui ont changé la donne dans leur domaine. J’ai par exemple fait un film sur la réalisatri­ce Liza Azuelos, sur la pianiste Hélène Grimaud, un autre sur le sculpteur Richard Orlinski... Ce sont des films toujours très différents, mais toujours des biographie­s, et on retrouve toujours dedans le héros lui-même.

J’ai un film en préparatio­n sur et avec Christian Clavier. Dedans, on retrouvera Jean Reno, MarieAnne Chazel ou encore Philippe Lachaud.

Aujourd’hui, je n’ai plus peur. Je sais faire le montage, le son, mais aussi vendre un film.

En parallèle, je continue l’opéra.

❝ Rocancourt est un peu un génie dans son art, comme Victor Hugo l’est dans le sien. DAVID SERERO, réalisateu­r

➜ Si vous deviez parler au petit David, que lui diriezvous ?

Qu’il ne faut rien lâcher. Qu’il a eu des « non » du monde entier, et qu’un « oui » suffit.

Maintenant, j’ai plus de recul. Je ne veux pas juste faire, mais bien faire. Il ne faut pas hésiter à demander aux gens leur avis pour pouvoir s’améliorer.

■ Rocancourt, le film, de David Serero, avec Christophe Rocancourt, sortie le 3 avril. Toutes les salles ne le proposent toutefois pas.

 ?? Eduardo Acevedo Jr. (Eddi Cruz) ?? David Serero a grandi à Chelles. C’est ici qu’il se prend de passion pour la musique et l’écriture.
Eduardo Acevedo Jr. (Eddi Cruz) David Serero a grandi à Chelles. C’est ici qu’il se prend de passion pour la musique et l’écriture.

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