Les papis cambrioleurs s’attaquaient aux femmes seules et très âgées
Pour résoudre des problèmes de fin de mois, deux hommes de 70 et 71 ans se sont associés pour mener des cambriolages. Ils ont visé une septuagénaire et de deux octogénaires. Lundi 15 avril, ils ont été condamnés à plusieurs années de prison ferme.
Pascal et Bernard se sont connus dans le bar Le Maryland qu’ils fréquentaient quotidiennement pour le café du matin. Une fois la relation bien établie est venu le moment des confidences, notamment au sujet des problèmes financiers respectifs. Ils ont alors échafaudé leur premier coup puis un second, qui leur sera fatal. Par précaution, mais aussi par intérêt, ils ont décidé d’opérer dans des communes éloignées et riches en ciblant des femmes âgées vivant seules.
« On est des cambrioleurs, mais on ne vous veut pas de mal ! »
Mais en fait, tout a commencé bien avant, par un cambriolage chez une dame de 87 ans à Saint-Augustin. Pascal et un autre complice, qu’il refusera de nommer, se sont introduits, le visage cagoulé, dans la maison d’Huguette, le 30 août 2023. En pleine nuit, ils ont fracturé une fenêtre côté jardin dont les volets étaient restés ouverts. Ils ont inspecté le rez-de-chaussée avant de grimper à l’étage, de s’introduire dans la chambre et d’attacher Huguette réveillée par le halo des torches avec un bas de nylon. Pascal cherche à la rassurer : « Ne vous inquiétez pas, on est des cambrioleurs, mais on ne vous veut pas de mal ! ». Une phrase qui deviendra sa marque de fabrique. Puis ils se sont emparés des bijoux et sont partis.
Placés sous surveillance
Mais Pascal a laissé son ADN sur le lien. Dès qu’elle a pu se libérer et recouvrer ses esprits, Huguette a appelé la police. Les agents de la section scientifique ont procédé à des relevés et, déjà bien connu de la justice, Pascal a été identifié. Mais son arrestation a été différée pour favoriser le flagrant délit. Une surveillance, complétée par une écoute téléphonique a été installée.
Huguette n’est pas sortie indemne. Le médecin des UMJ (Unités médico-judiciaires) a relevé une peur tenace à l’idée d’ouvrir ou fermer ses volets, ainsi qu’une détresse nocturne. Il lui a accordé six jours d’ITT (Incapacité totale de travail). Par ailleurs, un psychologue agréé a diagnostiqué un important traumatisme se traduisant par une forte anxiété, un début de dépression et des troubles du sommeil.
Un nouveau binôme se forme
Les enquêteurs ont ainsi pu observer Pascal plusieurs mois. Ils l’ont vu nouer des liens avec Bernard dans le bar, ils ont enregistré des échanges téléphoniques de plus en plus fréquents et assisté au changement ponctuel de plaques d’immatriculation. Ils les ont vus effectuer des repérages dans des marchés, observer des véhicules de transport réservés aux personnes âgées…
Mais le nouveau binôme a réussi à semer les policiers sans même se savoir surveillé. Ce qui lui a permis de commettre son premier forfait à Saint-Maur-des-Fossés (94) le 7 décembre 2023, au détriment de Mireille, une femme de 76 ans. Pascal et Bernard l’ont suivi alors qu’elle revenait de ses courses à pied. Quand elle a composé le code de l’immeuble, ils sont arrivés derrière elle. Ils l’ont ceinturée, bâillonnée et contrainte à ouvrir la porte de son appartement. À l’intérieur, Pascal l’a ligotée avec un bas et après les propos habituels destinés à la rassurer, ils ont exigé les bijoux. Avec une petite pince, Bernard a même coupé le bracelet qu’elle avait au poignet.
Quand les policiers locaux ont commencé leur enquête, ils ont bien sûr procédé à un relevé d’empreintes. La même erreur commise par Pascal a produit le même résultat et il a à nouveau été identifié. Ils ont aussi exploité la vidéosurveillance d’une pharmacie proche et ont remarqué le binôme. Ils ont entendu Mireille qui a déclaré : « La machine semblait bien huilée. Ils avaient une grande assurance ». Puis ils lui ont présenté des planches photographiques sur lesquelles elle a reconnu Bernard. Mireille a malheureusement conservé des séquelles de cette mauvaise expérience : « Je suis toujours sur mes gardes. J’ai tout le temps peur ! ».
Interpellés en flagrant délit
Toujours après Pascal, les enquêteurs ont intercepté une communication et appris qu’un déplacement au Vésinet (78) était prévu en fin d’après-midi. Ils ont suivi le véhicule grâce à la géolocalisation, mais une fois à destination, ils l’ont trouvé stationné et vide. La nuit tombée, le tandem est revenu pour reprendre la route de Villeparisis. Informés d’un cambriolage survenu en l’absence des deux septuagénaires, les policiers ont décidé d’interpeller le duo à leur arrivée au domicile de Pascal, en espérant un flagrant délit.
Si la fouille de la voiture n’a révélé que deux casquettes de police et un taser ainsi que deux cagoules, celle des poches de Bernard s’est avérée plus intéressante. Les bijoux dérobés quelques heures auparavant ont ainsi tous été retrouvés.
En effet, un peu plus tôt, les malfaiteurs ont procédé à un nouveau cambriolage chez Lucile, 88 ans. Alors qu’elle s’apprêtait à fermer les volets de la porte-fenêtre, elle a vu le duo entrer, l’attraper et entraîner dans sa chambre. Ligotée, sa bague de fiançailles d’une valeur supérieure à 10 000 € lui a été arrachée et d’autres bijoux volés. Selon son avocat, elle est ressortie très affectée et traumatisée par la situation :
« Avant c’était plus grave. Là, je n’avais pas d’arme ! »
Lundi 15 avril, Pascal et Bernard sont arrivés dans le box sous escorte. Avant le résumé très détaillé de l’affaire par la présidente d’audience, Isabelle Verissimo, le premier a reconnu la totalité des infractions, y compris l’association de malfaiteurs. Le second a adopté une position plus limitée en niant toute participation dans le vol perpétré à Saint-Augustin.
11 et 7 condamnations au compteur
Ensuite, la présidente a multiplié les questions pour bien comprendre leurs motivations. Sans surprise, ils se sont retranchés derrière leur manque d’argent : « J’ai tout essayé, mais impossible de trouver du travail à mon âge. Je voulais pouvoir offrir des cadeaux de Noël à mes petits-enfants » a plaidé Bernard.
Profitant d’avoir la parole, Pascal a tenté de minimiser les faits : « À chaque fois, ça m’a troublé. On les a volées, mais je suis resté correct avec elles. Avant, ce n’était pas le même travail… enfin la même activité, c’était plus grave. Là, je n’avais pas d’arme ! ». Car son parcours judiciaire est en effet chargé : 11 condamnations pour Pascal, dont trois par des Cours d’Assises lui ayant valu au total 30 ans de prison dont 15 effectives. Bernard n’est pas en reste avec 7 condamnations dont deux par des Cours d’Assises avec au total 22 ans d’emprisonnement.
L’avocat de Lucile, seule victime à s’être manifestée, n’a montré aucune complaisance à l’égard des deux hommes. Il a entamé sa plaidoirie en affirmant : « Ce sont des pros de la comparution devant un tribunal. Leur reconnaissance des faits sonne faux. Ils n’ont reconnu que ce qui ne peut être nié. Avec l’ADN pour l’un et les bijoux en poche pour l’autre, impossible de faire autrement ! La seule chose qu’ils regrettent, c’est d’avoir été pris ! ».
La procureure de la République, Myriam Khouas, s’est étonnée du comportement des deux voleurs : « Ils ne se sont même pas intéressés à l’argent présent dans les sacs à main alors qu’ils prétendaient avoir des soucis financiers ! ». Au regard de leur parcours pénal, elle a estimé qu’une « incarcération longue est la seule alternative pour protéger la société ». Elle a requis la peine maximale de 10 ans ferme pour Pascal et 9 ans pour Bernard.
« Dix ans, je n’en sortirai pas vivant ! »
Les deux avocats n’ont pas ménagé leurs efforts pour limiter l’impact des réquisitions sévères du ministère public. Intervenant en premier pour la défense de Pascal, maître Caroline Desre a cherché à émouvoir le tribunal :
À son tour, maître Matthieu Conquy est intervenu pour Bernard. En ouverture de sa plaidoirie, il a adopté le ton de la plaisanterie : « Je sais que je ne suis pas en terrain conquis ! ». Il a expliqué comment on peut renouer avec la délinquance après douze années de silence : une retraite mensuelle de 800 €, une ponction des huissiers de 410 € pour les dommages et intérêts des délits antérieurs. Mais avant de conclure, il a posé deux questions dérangeantes pour la gestion policière du dossier : « Pourquoi les cambriolages ont-ils pu se faire alors qu’une surveillance étroite existait ? ». Avant le délibéré, Pascal s’est contenté d’une phrase : « Dix ans, je n’en sortirai pas vivant ! ».
L’audience où tout se jouait
À l’issue de plusieurs heures d’audience, Pascal a été déclaré coupable pour la totalité des délits tandis que Bernard obtenait une relaxe partielle pour ceux commis à Saint-Augustin. Ils ont écopé respectivement de 8 et 6 ans de prison ferme, avec maintien en détention. Ils devront verser solidairement 8000 € à Lucile pour son préjudice moral et payer chacun 1500 € pour ses frais d’avocat. Sauf mesure de clémence de la justice, ils retrouveront leur liberté à 78 et 77 ans ! Comme l’a demandé la juge : « Cela en valait-il la peine ? ».
❝ Elle ne supporte pas d’avoir été repérée et ciblée. Elle a perdu toute autonomie et ne veut plus sortir de chez elle. Elle veut quitter sa maison de famille pour une résidence séniors sécurisée. L’AVOCAT D’UNE DES VICTIMES ❝ Madame la procureure demande que vous sortiez à près de 81 ans ! Vos regrets, votre compassion n’existent pas, car vous êtes un pro du vol.
MAÎTRE CAROLINE DESRE, avocate de Pascal