Mayer, il était dix fois une légende
L’athlète français a explosé le record du monde
Kévin Mayer, revanchard après avoir manqué un titre de champion d’europe qui lui semblait promis, est entré dans la légende de l’athlétisme en explosant le record du monde du décathlon, hier, au Décastar de Talence
Un cliché sportif bien connu veut qu’il faut savoir « rebondir après un échec ». Après son zéro et son abandon à la longueur aux « Europe » de Berlin en août, Kévin Mayer, 26 ans, a rebondi si vite, si haut, si loin, qu’il est devenu l e premier Français à s’emparer du record du monde du décathlon.
« Je disais peutêtre sans trop d’assurance que Berlin c’était un mal pour un bien, je crois que maintenant je peux le dire assurément, faire le record du monde à Talence, c’est le plus beau des rêves que je viens d’accomplir », a savouré le champion.
Mayer a réussi l’exceptionnel total de 9.126 points, devenant seulement le 3e athlète à franchir la barre mythique des 9.000 points au décathlon (après l’américain Ashton Eaton et le Tchèque Roman Sebrle), cette compétition totale où il faut maîtriser dix épreuves (quatre courses, trois sauts, trois lancers) en deux jours.
Avec les performances réalisées ce weekend sous le soleil de Talence, Mayer aurait par exemple été finaliste des derniers championnats de France dans six disciplines sur dix...
Le record d’ashton Eaton (9.045 points) semblait promis à Mayer. Bon esprit, l’américain l’a félicité sur twitter : « Je suis super content pour Kevin Mayer et encore plus pour l’avenir du décathlon », atil réagi.
Surdoué de l’« athlé », Mayer a connu une trajectoire linéaire: champion du monde junior en 2010, 2e des championnats d’europe en 2014, vicechampion olympique à Rio en 2016 et enfin champion du monde en 2017.
Son échec à Berlin ? Un simple bémol par rapport au « récital », formule du champion d’europe 2014 Romain Barras, offert par Mayer aux 12.000 supporters qui se sont librement déplacés dans le stade champêtre de Talence pour encourager leur chouchou.
Un mental d’acier
« Kéké la braise », son surnom, a chauffé le public de la première épreuve du Décastar, un 100 m record en 10”55, à la dernière, un 1.500 m rock’n roll couru au son de « Smoke on the water » (Deep Purple) sous les vivats de la foule.
« Il est dans “la zone” », s’était émerveillé Barras après sept épreuves, cet état quasi transcendantal d’un sportif qui réussit tout, comme un basketteur qui alignerait les paniers à trois points.
De quoi faire plaisir à Mayer, grand amateur de NBA aux goûts éclectiques, du piano à l’astrologie en passant par la plongée sousmarine.
Cet ancien étudiant en DUT génie bio puis mesu res physiques est aussi doté d’un mental d’acier. Jamais aussi fort que dos au mur, il avait sauvé ses championnats du monde 2017 du zéro en passant 5,10 m au dernier essai à la perche.
Samedi, tout le stade a tremblé après ses deux échecs à 1,99 m à la hauteur. Probablement pas lui. Il a franchi l’obstacle au dernier essai, comme ensuite à 2,02 m et 2,05 m.
Un peu irrité lorsqu’il a manqué un appel des juges à la hauteur, et après avoir rembarré une équipe de télévision qui le collait un peu trop à son goût, Mayer a su rester concentré et résister à la pression inhérente à son statut.
« La gestion de sa deuxième journée avec des pièges partout est vraiment très forte », a réagi, conquis, le champion d’europe 1994 du décathlon Alain Blondel.
Le cri de joie de Kévin Mayer, qui a fait exploser, hier, à Talence, le record du monde du décathlon.