« MBS », le prince aux deux visages
Maxime Meyer
La charia, loi islamique, est strictement appliquée en Arabie saoudite. Ainsi, le pays a longtemps été vu comme rétrograde, intolérant. La fermeture et la méfiance à l’égard des étrangers n’ont pas joué en sa faveur.
Quand Salman ben Abdelaziz accède au trône en 2015, il place son fils, MBS, au ministère de la Défense. Le jeune homme, favori de son père, gravit rapidement les échelons et devient premier vicePremier ministre en juin 2017. Dans les faits, c’est lui qui tient les rênes du pays, surtout depuis la purge de grande ampleur qui a touché les milieux politiques et économiques saoudiens, fin 2017. Près de 300 personnalités influentes sont arrêtées en novembre, sous prétexte d’une lutte contre la corruption. Les images de milliardaires retenus dans le RitzCarlton de Riyad ont fait le tour du monde. Ils sont libérés au fur et à mesure d’accords financiers passés avec le pouvoir. Ce coup de force permet de renforcer MBS, en portant un coup dur à ses critiques et opposants.
Parallèlement, MBS souhaite changer l’image de son pays. Il libéralise l’économie, la diversifie, pour rendre le royaume moins dépendant du pétrole, annonce vouloir revenir à un islam plus modéré, et offre sous condition la possibilité aux femmes de conduire ; une avancée majeure dans ce pays ultraconservateur. En bon communiquant, l’ouverture progressive du pays lui vaut une publicité mondiale. MBS est vu comme un réformateur de 33 ans, qui est prêt à faire passer l’Arabie saoudite dans le XXIe siècle.
Mais le prince a une conception très verticale du pouvoir. Il est partisan d’un État fort, autoritaire. En conséquence, les voix dissonantes sont muselées, notamment sur les réseaux sociaux. Des opposants ont été arrêtés et exécutés, tandis qu’il aurait mis sa propre mère en résidence surveillée.
Jamal Khashoggi en a fait les frais. L’affaire, très médiatisée, ébranle pour la première fois le prince héritier. Disparu le 2 octobre après son entrée dans le consulat saoudien d’Istanbul, le journaliste aurait été torturé et assassiné par des agents envoyés spécialement d’Arabie saoudite. Riyad a cherché à esquiver le problème, avant de reconnaître que le dissident était mort dans sa représentation diplomatique, après une bagarre qui aurait mal tourné. La pression internationale ne cesse de s’accroître, fragilisant MBS au sein même des cercles de pouvoir saoudiens. ■