Les réfugiés donnent des cours à la fac
L’université Clermont Auvergne prend part à un programme autour de leur inclusion
Casser les idées reçues sur les réfugiés et favoriser leur inclusion : tel est l’objectif du programme européen co-LAB qu’intègre l’université Clermont Auvergne.
Le sourire de Souzan trahit un mélange d’impatience et d’appréhension. Pour cette Syrienne de 33 ans, comme pour Rabab, les choses sérieuses ne commenceront pourtant qu’en janvier. Plus discret, Abdoulrassoul, Soudanais de 30 ans, sera le premier à entrer en scène. Tous les trois ont un peu plus que de l’appréhension en commun : ils ont le statut de réfugiés et prennent part au projet européen coLAB.
Tour à tour, à raison de vingt à trente heures, ils seront en tout cinq à intervenir en tant qu’enseignants devant des étudiants de l’université Clermont Auvergne, de l’UFR langue culture et communication et de l’IAE École de management.
Derrière cette initiative se cachent l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Plus localement, Cécilia BrassierRodrigues, maître de conférence à l’UCA, a rendu possible ce partenariat qui unit l’UCA avec quatre autres universités et grandes écoles européennes.
« On va mettre en avant leur expertise et leurs compétences. Les élèves ne seront pas forcément au courant de leur statut. Ce n’est pas le but », insiste Cécilia Brassier, heureu se de pouvoir tordre le cou à une image souvent négative.
Professeur d’anglais pendant quinze ans avant d’être contrainte de fuir sa Syrie en 2017, Rabab interviendra en toute logique dans la langue de Shakespeare. « Le projet m’a d’abord plu au niveau personnel car je voulais avant tout travailler de nouveau », expliquetelle dans un français presque parfait appris en un an. Mais plus globalement, il va permettre, selon elle, de lutter contre les clichés et stéréotypes dont sont victimes les réfugiés.
« Nous sommes 23 millions de Syriens, nous venons avec un bagage et des compétences. La langue est un frein quand on a beaucoup de compétences et qu’on veut les mettre en valeur. J’espère que cela changera aussi l’image de la femme orientale que certains peuvent avoir ».
Arrivée en France en 2014 et après deux séjours par le passé déjà à ClermontFerrand, Souzan ne peut que valider les propos. À partir de janvier, elle sera en charge d’un cours pour les élèves en troisième année de licence sur les phénomènes migratoires. Elle parlera de son histoire, de la situation des Kurdes de Syrie, de l’accueil des réfugiés. « Je lis beaucoup d’articles, je prépare les dossiers », se réjouitelle.
Handicapé par quelques difficultés en français, Abdoulrassoul sera, lui, secondé par un enseignant de l’UCA lors de ses interventions. Il compensera ses lacunes en français par sa formation de professeur de sociologie au Soudan. Mais ça ne l’effraie pas tant que ça. Il a déjà vécu tant d’épreuves par le passé. ■
« On veut mettre en valeur nos compétences »
INCLUSION. En tout, cinq réfugiés interviendront auprès des étudiants de l’université Clermont Auvergne, pas nécessairement au courant du parcours de vie de leurs profs.