Paroles de « gilets jaunes »
« C’est un mur qu’on dresse devant nous »…
Assurant pour la plupart être venus « pacifiquement » dans un Paris en alerte rouge, les « gilets jaunes » manifestaient à la fois contre la politique du gouvernement et pour « vivre dignement ».
Voici des témoignages glanés parmi les manifestants.
Lydie, aide-soignante
« Samedi dernier, je ne pouvais pas être là, je bossais, dit cette femme de 48 ans qui vient de Vierzon (Cher) rencontrée à côté de la gare SaintLazare. Je suis mobilisée depuis le début. Je suis aidesoignante en gériatrie depuis 15 ans. Quand on est absente, on n’est pas remplacée. On n’a pas eu d’augmentation de salaire depuis 10 ans, c’est juste révoltant. On n’y arrive pas, ce n’est plus possible ».
« Ce n’est pas particulièrement Macron (le problème) mais il envenime les choses », « il faut qu’il prenne la parole et qu’il mette des choses concrètes sur la table », estime cette manifestante. « On ne demande pas à vivre richement, juste dignement. »
Alice, militant anticapitaliste
« Paris suinte la misère… La mode est aux conseils de guerre », chante à plein poumons Alice T., accom pagnée par les cuivres d’une fanfare de « citoyens musiciens ». Devant, flotte le drapeau rouge et noir de l’anarchosyndicalisme mêlé à une bannière jaune. Cette militante anticapitaliste de 31 ans, venue de l’Aveyron avec son copain, connaît par coeur les paroles de La semaine sanglante, chant révolutionnaire de la Commune de Paris (1870). « Ce n’est pas un problème de gouvernement, c’est un problème de logique politique, capitaliste et libérale », estime Alice, coordinatrice de colonies de vacances. La diversité politique du mouvement ne lui pose pas de problème. « On s’en fout qu’on soit de gauche ou de droite. D’abord, ils dégagent tous, après on verra », ajoutetelle. « La question c’est comment en faire un mouvement politique et citoyen pour tous (..) il faut que les syndicats appellent à la grève générale ».
Tony Vella, maçon
« On ne va pas lâcher l’affaire », raconte ce père de famille venu de Poissy, en région parisienne, qui explique avoir été immobilisé pendant deux heures et demie, poignets derrière le cou, par des CRS à son arrivée à Paris, tôt hier matin. « Je me bats pour mes enfants et juste pour vivre convenablement », ditil, insultant l’ancien président François Hollande et qualifiant Emmanuel Macron de « dictateur ». « Il faut baisser les taxes, diminuer le nombre de députés et de sénateurs, faire des référendums pour qu’on ait notre mot à dire ».
« Ces genslà sont déconnectés » ajoute Tony, qui gagne 1.800 euros brut par mois. Il n’a pas voté l’an dernier parce qu’il ne croit à aucun parti.
Sylvia, kiné
« On est là car on n’a toujours pas été entendus », lâche cette femme de 55 ans. « Moi je m’en sors, je travaille 70 heures par semaine, mais je dois aider mes deux fils de 22 et 25 ans dont l’un est au chômage et mes parents qui survivent avec une retraite de misère », expliquetelle.
« C’est un mur qu’on dresse devant nous, pour nous étouffer encore plus », ditelle en référence à l’important dispositif de sécurité en vigueur dans la capitale. Il faudrait « 500 euros pour les smicards, 300 euros pour les retraités. Avec 1.150 euros par mois, comment on s’en sort ? »
Dorian, cariste
« Nous on veut pas se battre, juste nous protéger au cas où », assure ce cariste de 29 ans venu de Poissy, dans les Yvelines.
« D’abord, ils dégagent tous, après on verra »
« Il faudrait bloquer toutes les grosses industries qui font beaucoup d’argent »
« Tout casser, ça ne sert à rien », estime cet homme qui manifeste à Paris pour la première fois avec un ami, John. « Ce qu’il faudrait, c’est bloquer toutes les grosses industries qui font beaucoup d’argent, comme Total, Renault… ». ■ (photo AFP),
MOBILISÉS. Comme, ici à Lille, hier.