La Presse d'Armor

L’histoire méconnue des Labenne

Alain Dumont est parti sur les traces des Labenne où on trouve un prisonnier impérial, une évasion rocamboles­que, des enfants plus ou moins illégitime­s, des affairiste­s et des femmes courageuse­s…

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Selon des témoignage­s (plus ou moins bienveilla­nts) de l’époque, le Comte de Labenne présentait « l’aspect de ces malades qu’on nomme aujourd’hui les neurasthén­iques ».

« Comtesse de comédie »

Monsieur Dupont, qui épousera la veuve du comte revêtait « le type d’un coulissier de théâtre et des affaires », tandis que Madame Dupont, comtesse de Labenne « était une comtesse de comédie »…

Alain Dumont habite à Paimpol dans la villa qui partage un mur mitoyen avec la fameuse villa Labenne.

Piqué par une curiosité d’historien, il a voulu comprendre comment cette famille proche des sphères impériales pouvait être traînée dans la boue et l’opprobre.

« Je me suis assez vite rendu compte, confie-t-il, que ces insultes étaient liées pour beaucoup au contexte politique, à l’exagératio­n et au rejet d’une espèce de monde ancien par rapport au monde nouveau qu’entendaien­t incarner ces témoins… »

La « Belle sabotière »

L’histoire commence le 6 août 1840 à Boulogne lorsque le prince Louis-Napoléon Bonaparte (32 ans à l’époque) est condamné à la réclusion perpétuell­e à la suite d’un coup d’état manqué.

Au Fort de Ham, dans la Somme, où il est enfermé, les conditions de détentions de cet impérial détenu sont des plus souples puisqu’il peut même y pratiquer l’équitation et recevoir qui bon lui semble.

En mai 1841, une jeune lingère, Éléonore Vergeot, entre au service du prisonnier. Elle a 21 ans et est la fille d’un tisserand d’Estouilly, la commune voisine. Le prisonnier tombe sous le charme de la « Belle sabotière ».

L’évadé Badinguet

De cette idylle naissent deux garçons : Alexandre Louis Eugène en 1843 et Alexandre Louis Ernest en 1845. Les deux enfants ont une nourrice, Colette Bure, dont le fils Pierre aidera en 1846 le prisonnier Louis-Napoléon Bonaparte à s’évader du fort de Ham sous le déguisemen­t d’un vitrier et sous le pseudonyme de « Badinguet ». Pseudonyme qui deviendra bientôt un sobriquet assez méprisant….

En 1858, sur le voeu de celui qui est devenu, entre temps, Empereur le 2 décembre 1852, Éléonore Vergeot épouse Pierre Bure qui adopte les deux garçons et leur donne son nom.

« Ces insultes étaient liées au rejet d’un monde ancien »

Armée mexicaine

Pierre Bure est nommé Trésorier général de la Couronne et fait chevalier de la Légion d’Honneur et, le 11 juin 1870 l’empereur offre à Alexandre Louis Eugène le titre de comte d’Orx et à Alexandre Louis Ernest celui de comte de Labenne… Nous y voilà… Le nouveau comte de Labenne a déjà connu un parcours chaotique : à 18 ans, il s’engage dans l’armée… mexicaine et épouse une jeune autochtone Puebla dont il divorce après avoir failli être empoisonné par sa belle-mère.

Il rentre en France et devient receveur des finances. En 1879, à 34 ans, il épouse Marie-Henriette Paradis, 22 ans, fille d’un banquier. De leur union naît Georges Louis Henry Bure le 22 mars 1880 à Paris.

Sécherie de morue

En août de la même année, après un voyage de 13 h en train de Paris à Guingamp, puis de 3 h en « patache », la famille Bure de Labenne débarque à Paimpol où le comte souhaite faire construire une sécherie pour la morue…

L’idée est loin d’être farfelue. Il a comme partenaire­s Yves Le Goaster, armateur paimpolais, et surtout Louis Tellier, ingénieur et inventeur de la première machine frigorifiq­ue de gaz ammoniac et d’un nouveau procédé de séchage de poisson. Le comte de la Labenne recherche des terrains près du port de Paimpol…

Décès prématuré

Des brouilles politicien­nes, liées au rattacheme­nt de Kernoa à la commune de Paimpol, retardent l’opération. Et Alexandre Louis Ernest Bure, comte de Labenne, décède prématurém­ent le 11 janvier 1882.

Louis Dupont, banquier du comte, reprend l’idée à son compte et acquiert les terres destinées à accueillir la sécherie. Dans la foulée, si on ose dire, il épouse Henriette Bure, qui a hérité du château familial de Villennes, en juin 1883.

Le comte de Labenne n’aura jamais connu la sécherie qu’il avait imaginée, ni même la villa qui porte désormais son nom. La sécherie est construite mais ne fonctionne­ra jamais. Elle deviendra menuiserie en 1891, puis voilerie de 1946 à 1981 avant d’accueillir le Musée de la Mer depuis 1990.

Villa basque

En 1884, Henriette Dupont, comtesse de Labenne, achète la Villa de Penanrun, construite en 1860 par le docteur Vincent, médecin à Paimpol. La façade est transformé­e dans le style des villas de la côte basque.

En octobre de la même année, elle acquiert la chapelle de Lancerf et les terrains attenants afin de permettre au petit Georges, atteint de tuberculos­e, de courir et de jouer au bon air des rives du Trieux. Hélas, le petit garçon décède le 10 décembre 1884.

Sépultures à Lancerf

Les Dupont décident alors de faire des travaux dans la chapelle afin d’accueillir les sépultures de Georges et de son père le comte de Labenne. La cérémonie a lieu en février 1885. Mais pour les Dupont, les affaires péricliten­t. Le château de Vilennes doit être vendu pour payer les dettes, puis ce sont les biens paimpolais du couple qui sont vendus en 1894…

Les Dupont quittent Paimpol et divorcent en 1906. La comtesse de Labenne épousera en troisième noce un certain Jules Aubert et décédera en décembre 1937 en Avignon. Eléonore, la belle sabotière, elle, est décédée en 1886 au Vézinet…

De toute cette histoire, Alain Dumont a tiré un recueil intitulé « Les Familles Labenne et Dupont à Paimpol » qui contient bien d’autres détails sur cette période si courte et si marquante à la fois. François Cabioc’h,

correspond­ant

L’auteur propose aux personnes qui seraient intéressée­s par son travail de lui adresser un mail à l’adresse suivante : dumont. gourhant@orange.fr Par retour, il leur fera parvenir le document en pièce jointe et ce gratuiteme­nt.

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Alain Dumont présente son recueil devant la Villa Labenne. En bas, Le Comte de Labenne et son fils Georges sont inhumés dans la chapelle de Lancerf. A droite, Ernest Bure de Labenne n’aura jamais connu la sécherie de poisson située dans la rue qui...

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