La Presse d'Armor

Les verreries font le tour du monde

De l’île de Bréhat à Pékin

- Nathalie Bot-Jaffray

Même dans une boule de cristal, Yves Neumager n’aurait jamais pu prédire, en 1998, que ses boutons de porte en verre décoreraie­nt vingt ans plus tard des villas de millionnai­res chinois, sur l’île Hainan, au sud de la mer de Chine.

De simple verrerie insulaire, destinée à ses débuts aux touristes, l’atelier bréhatin est devenu aujourd’hui une référence dans la sphère très fermée de la décoration de luxe. Il habille de ses créations des palaces, yachts, boutiques haut de gamme ou des résidences privées.

Au même titre que « du Murano » ou « du Quimper », on décore aujourd’hui avec « du Bréhat »…

A l’heure de passer la main, début janvier, à son fils Stéphane, l’homme peut se targuer d’avoir de prestigieu­ses références dans son catalogue : le Ritz à Paris, la moitié des boutiques Dior dans le monde, le siège social de Bouygues, l’ambassade de France à Pékin…

« En ce moment, on travaille à la réalisatio­n de boutons de porte argentés pour l’hôtel Le Martinez à Cannes, annonce

Stéphane Neumager. On réalise aussi un luminaire sur-mesure pour un grand hôtel parisien dont l’ouverture est prévue en 2019 . »

Elle semble aujourd’hui bien loin la petite quincaille­rie décorative, permettant à Yves Neumager de vivre et travailler à Bréhat. L’homme repère à l’époque l’ancienne citadelle de l’île, propriété de la commune mais à l’abandon. « Bréhat accepte mon projet, à condition que cela ne coûte rien à la commune. »

Il développe une série de boutons de meubles et de portes, devenue aujourd’hui unique au monde avec plus de 400 références. Valise en main, il prospecte les salons et la capitale à la rencontre des décorateur­s.

Les portes du luxe s’ouvrent progressiv­ement à son savoir-faire, enrichi par les boules d’escalier et les bâtons de maréchal qui feront sa renommée. Il aiguise aussi son goût et son envie d’étoffer sa gamme, avec plus de technicité.

De 35 € à 200 000 €

Yves Neumager propose alors à son fils d’ouvrir aux verreries, en 2009, un bureau d’études. Diplômé d’une école de commerce, non épanoui dans sa carrière de comptable pour un fonds d’investisse­ment au Luxembourg, il accepte. « Je l’avais aidé à réaliser le premier site internet des verreries et m’étais rendu compte que moi aussi, j’avais besoin de travailler dans le domaine créatif où les perspectiv­es de développem­ent sont libres. Le virus m’a pris et, quand on a commencé a développé l’activité, j’ai eu envie d’aller plus loin. »

De simple verrerie, l’atelier étoffe ses compétence­s et son champ des possibles, qui s’étend des plus petites pièces aux plafonnier­s de 120 m², pesant jusqu’à

15 kg. « On est capable aujourd’hui de fournir un produit dans sa globalité, de l’idée aux premiers plans, de la fabricatio­n à la pose. » Au point d’être en concurrenc­e directe avec les Italiens et les Tchèques, maîtres en la matière, et de leur ravir des marchés.

Du sur-mesure pour une gamme de prix allant de 35 € pour un bouton de meuble à 200 000 € pour les grosses installati­ons qui requièrent des mois de travail. « Et tout ça, à partir de Bréhat, une équation pas simple. » (lire encadré ci-contre).

Un showroom à Paris

Pour se rapprocher de leur prestigieu­se clientèle, les Verreries de Bréhat ont ouvert un showroom au coeur de Paris, dans le 3e arrondisse­ment. Alors que leur savoir-faire demande temps et patience, le marché exige des délais très courts : « Nous, on intervient dans les travaux de finition. Et à chaque fois l’hôtel veut ouvrir le plus vite possible, rattraper le retard

Du Ritz à Cannes Une collection unique au monde

du chantier du gros oeuvre. Alors pour être plus efficients, aux plus près des profession­nels, on a ouvert cette boutique. Mais contre toute attente, même s’ils étaient à 300 mètres de là, ils ne se déplaçaien­t pas. » Les Verreries ont donc fermé leur vitrine parisienne. « J’ai repris la valise pour aller régulièrem­ent voir mes clients sur Paris et Londres qui fourmillen­t d’architecte­s, designers et décorateur­s, menant d’énormes projets dans le monde entier. » Stéphane Neumager projette aussi de refondre le site internet. « Il n’est plus à la hauteur de

l’entreprise et de l’image que

l’on veut véhiculer », avec un accès marchand pour profession­nels et particulie­rs, afin de prolonger les ventes de la période estivale (30 000 visiteurs sur le site de Bréhat).

De Londres à Dubaï, de NewYork à Hong-Kong pour leur marché chinois en expansion, les Verreries de Bréhat ont de splendides défis devant leurs yeux. Et nul besoin d’une boule de cristal pour présager qu’elles vont, de longues années encore, faire scintiller Bréhat par delà le monde.

 ??  ?? Posant derrière les boules d’escalier, qui ont fait décoller les Verreries de Bréhat vers le marché du luxe, Yves Neumager et son fils Stéphane.
Posant derrière les boules d’escalier, qui ont fait décoller les Verreries de Bréhat vers le marché du luxe, Yves Neumager et son fils Stéphane.
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France