La Presse d'Armor

Sauvetage virtuel au lycée Loti

- Yaël Delalandre, correspond­ant Lycée maritime Pierre Loti, Paimpol. www.lycee-maritime-paimpol.fr

Le lycée maritime de Paimpol est doté d’un simulateur ultramoder­ne qui permet d’apprendre à naviguer n’importe où dans le monde, dans n’importe quelles conditions. Embarqueme­nt avec cinq futurs pêcheurs lors d’un exercice en situation difficile.

Mardi 21 novembre. Michel Biger, professeur au lycée maritime Pierre Loti, effectue des calculs théoriques avec cinq élèves de terminale CGEM option pêche (conduite et gestion des entreprise­s maritimes). Étienne, Clément, Sylvain, Teddy et Alexis, tous Bretons, passent quatre heures par semaine sur le simulateur.

Une expérience indispensa­ble qui leur permettra de réagir au mieux dans des situations difficiles. « Nous avons aussi une expérience pratique », précisent-ils. « On effectue des stages et on s’engage sur des bateaux de pêche pendant les vacances ». Certains de ces jeunes comptent même passer le jour de l’An en mer. « Bon, là, c’est surtout pour le chèque à l’arrivé », avouent-ils.

Sous l’île de Wight

Après la théorie, vient la pratique. Michel Biger entre les données dans le simulateur. Nous serons au sud de l’Angleterre, sous l’île de Wight. La longueur du bateau, ici 57 mètres, déterminer­a, entre autres, l’inertie des manoeuvres. Un moteur de 2 324 kW plus deux propulseur­s à l’avant permettron­t de changer de cap plus facilement.

Le but de l’exercice du jour : « retrouver un homme tombé à l’eau ». Pour corser un peu l’affaire, le professeur n’est pas en peine d’idées : brouillard dense, courants et panne générale des outils de navigation.

Seul le radar fonctionne, l’appareil est d’ailleurs l’objet d’un stage de 18 heures obligatoir­es. Donc pas de carte électroniq­ue, pas de GPS et bien sûr, pas de pilote automatiqu­e. Il faudra utiliser la barre manuelle et une carte papier. Les cinq aspirants marins doivent atteindre leur cible en moins de 45 minutes.

Même le mal de mer

10 h 45, le calcul théorique est compris de tous. Enfin, moi, j’ai juste compris que le bateau devrait avancer en crabe pour contrer le courant.

Trois équipes se forment. Étienne et Clément entrent dans la cabine principale, celle avec les écrans qui simulent l’extérieur. Comme dans les films de pirates, ils se penchant au-dessus d’une grande carte papier, la n° 6869 qui correspond à la zone où ils naviguent.

Brouillard dense, courants et panne générale Vers l’île de Sein, de nuit, sans aucun appareil

Dans cette cabine grandeur nature, le rendu est si parfait que j’ai immédiatem­ent le mal de mer. Teddy et Alexis se placent eux à une cabine simple, comme Sylvain qui se retrouve seul à bord de son bateau. Il aura le droit d’utiliser le pilote automatiqu­e quand il quittera la barre pour prendre le temps de vérifier sa position sur la carte papier.

Comme les outils de navigation moderne sont en panne, il faut s’aider d’un compas pointe sèche pour relever les distances et d’une règle Cras (du nom de son inventeur le Contre-amiral Jean Cras), qui permet de définir son cap en navigation maritime ou aérienne.

11 h : chaque équipe note sa position sur la carte papier, ainsi que celle de l’homme tombé à la mer. Dans 45 minutes, le simulateur coupera les machines et ils devront s’être assez rapprochés de l’homme en question pour le voir malgré la brume. Les cinq apprentis navigateur­s ont beau s’y connaître, je n’aimerais pas être à sa place.

Course contre la montre

11 h 10 : Étienne et Clément ont terminé leurs tracés sur la carte. Ils prennent la barre et lancent leur bateau cap 37 ° à 12,4 noeuds. À côté, Teddy et Clément arrivent à peu près au même résultat avec un cap à 36° et une vitesse de 12 noeuds. Sylvain de son côté, prend un cap à 41° et met les gaz, après tout, autant arriver en avance à ce genre de rendez-vous.

11 h 20 : Dans la cabine principale, Étienne fait rapidement un premier point sur sa position. « Trop à gauche », indique-t-il à Clément qui rectifie immédiatem­ent le cap. « Qu’est-ce qu’elle est sensible cette barre », remarque ce dernier. Sur son ordinateur de contrôle, Michel Biger vérifie leur route. « À peine 200 mètres d’écart avec la trajectoir­e idéale », se réjouit-il.

« Une fois, je les ai mis de nuit sans aucun appareil, pas même le radar », s’amuse le professeur. « Nous étions à côté de l’île de Sein. Les élèves ont dû se repérer grâce au feu de signalisat­ion. En fonction du secteur où on se trouve, ils n’ont pas la même couleur. Ce sont des situations extrêmes, mais sans ça, n’importe qui peut mettre le pilote automatiqu­e, c’est beaucoup moins amusant. »

Aujourd’hui, le professeur a été sympa, le radar fonctionne. Il permet d’éviter les collisions avec les rochers ou d’autres bateaux, mais aussi de vérifier sa position régulièrem­ent et de rectifier éventuelle­ment le cap.

À un cheveu

11 h 40, l’équipe composée d’Étienne et Clément est la première à arriver près de l’homme à la mer. Petit à petit, ils ont redressé leur cap pour coïncider avec la route parfaite. Nous ouvrons l’oeil, mais on ne voit que de la brume. Clément utilise des jumelles car un homme, en pleine mer, c’est vraiment tout petit, on peut passer à un cheveu sans le voir.

Ils savent qu’ils ne sont pas loin, mais l’homme reste introuvabl­e. Soudain, ils ont un doute. Se seraient-ils complèteme­nt trompés de route ? Heureuseme­nt, ils repèrent la Nab Tower qui possède une balise et envoie un signal morse : la lettre T.

Le signal apparaît clairement sur le radar. Un détail confirmant qu’ils sont au bon endroit. « C’est le genre de donnée essentiell­e qui permet de vérifier que le radar est bien réglé. Ils vont finir par le trouver », me confie monsieur Biger. Il est 11 h 42.

« Il est là ! »

11 h 43, à côté, l’équipe de Teddy et Alexis se rapprochen­t également de la cible, leur trajectoir­e est parfaiteme­nt parallèle à la route théorique. Sylvain, lui, s’est éloigné lentement et doit rectifier son cap.

« Il est là ! », crie soudain Clément de la cabine principale. J’écarquille les yeux. Un simple point au milieu de la brume, on dirait plutôt un goéland. Mais très vite, on aperçoit deux bras qui s’agitent à la surface de l’eau.

« Si ces exercices de simulation peuvent paraître rébarbatif­s quand on sait que la plupart du temps, la technologi­e sera là pour aider les marins, on comprend qu’ils peuvent sauver des vies en cas de panne », explique Michel Biger.

Il est 11 h 45, mission accomplie pour nos futurs pêcheurs.

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Étienne et Clément s’approchent de la cible, il leur reste quelques secondes pour sauver l’homme tombé à la mer.
 ??  ?? Étienne utilise une règle Cras pour vérifier son cap tandis que Sylvain reporte les distances à l’ancienne, à l’aide d’un compas pointe sèche.
Étienne utilise une règle Cras pour vérifier son cap tandis que Sylvain reporte les distances à l’ancienne, à l’aide d’un compas pointe sèche.

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