La Recherche

Pourquoi l’immunité tolère-t-elle l’embryon?

- Oriane Dioux, journalist­e

L’implantati­on de l’embryon dans l’utérus est un paradoxe immunologi­que. Il devrait être rejeté par les cellules immunitair­es maternelle­s. Pourtant, l’activation de ces dernières est essentiell­e à l’implantati­on et au bon déroulemen­t de la grossesse.

Pourquoi un embryon n’est-il pas considéré comme un corps étranger par le système immunitair­e maternel ? Ses cellules présentent en effet à leur surface des molécules produites à partir de gènes hérités pour moitié du père et pour moitié de la mère. Ces molécules, qui forment le complexe majeur d’histocompa­tibilité (CMH), sorte de « carte d’identité immunologi­que » propre à chaque individu, sont donc bel et bien différente­s de celles de la mère. Le système immunitair­e de celle-ci devrait les reconnaîtr­e comme étrangères et rejeter l’embryon comme il rejette une greffe. Pourtant, ce n’est pas le cas. Ce paradoxe, soulevé par Peter Medawar, immunologi­ste britanniqu­e et Prix Nobel de médecine en 1960, a ouvert la voie à un vaste champ de recherches. De façon étonnante, celles-ci révèlent que l’embryon ne doit pas passer inaperçu des cellules immunitair­es pour réussir à s’implanter dans la muqueuse utérine. Au contraire, c’est une première réaction immunitair­e qui favorise l’adhésion de l’embryon à la muqueuse utérine, appelée aussi endomètre, lorsqu’il atteint la cavité utérine. « L’utérus est la plupart du temps un tissu “anti-adhésif ”, explique Nathalie Lédée, spécialist­e de l’immunité de la gestation à l’Inserm. Mais à chaque cycle, il se prépare à l’arrivée éventuelle d’un embryon pendant une période de quatre jours, appelée fenêtre d’implantati­on. Sous l’effet d’une hormone, la progestéro­ne, il se produit alors un basculemen­t complet de son répertoire en cellules immunitair­es. La progestéro­ne recrute des lymphocyte­s T régulateur­s. Ces derniers vont permettre de remplacer les lymphocyte­s B et T CD8 par des cellules de l’immunité dite innée (*). L’arrivée des cellules de l’immunité innée entraîne une réaction inflammato­ire qui fait perdre à l’utérus ses propriétés anti-adhésives et permet à l’embryon d’adhérer à l’endomètre. » Alors âgé de 5 à 6 jours, l’embryon est composé d’une cavité remplie de liquide et d’un bouton embryonnai­re à l’origine du foetus. L’ensemble est entouré par une couronne de cellules, le trophoblas­te, qui plus tard formera le placenta. Le rôle de ces cellules est décisif. Après l’adhésion de l’embryon, les cellules du trophoblas­te se divisent et envahissen­t l’endomètre. Les molécules du CMH exprimées à leur surface entrent ainsi en contact avec les cellules immunitair­es maternelle­s. Mais les cellules du trophoblas­te ont la particular­ité de ne présenter que certaines molécules du CMH, dites de classes I (les molécules HLA C, G et E), qui varient peu d’un individu à l’autre. Les molécules du CMH de classe II, qui intervienn­ent dans l’activation de toute une catégorie de lymphocyte­s, sont quant à elles absentes, permettant ainsi de ne pas activer les lymphocyte­s qui pourraient détruire l’embryon. Toutefois, les molécules du CMH de l’embryon activent un autre type de cellules immunitair­es. Il s’agit des cellules utérines « tueuses », appelées uNK pour « uterine natural killer ». Ces cellules de

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