La Recherche

Un parasite végétal pour communique­r

Grâce à la cuscute, une espèce de « vampire végétal », des plantes dévorées par des insectes peuvent transmettr­e leurs réactions de défense à leurs congénères.

- Aline Gerstner

L’expression « faire la plante verte » disparaîtr­a-t-elle un jour de la langue française ? On sait déjà que les plantes, loin d’être passives et inertes, sont capables de communique­r entre elles ou avec des champignon­s. Mais qu’elles le fassent par l’intermédia­ire d’un parasite, voilà qui est nouveau. Le phénomène a été mis en évidence par une équipe de l’Académie chinoise des sciences, à Pékin, et de l’Institut Max-Planck d’écologie chimique, à Iéna, en Allemagne (1). L’équipe sino-allemande s’est intéressée à une espèce de cuscute dénommée Cuscuta australis. Sorte de vampire végétal, elle introduit ses suçoirs, appelés haustoria, dans les cellules de son hôte – la Cuscuta australis apprécie notamment les plants de tomates ou les aubergines. Elle en retire ainsi l’eau et les nutriments dont elle a besoin. Les biologiste­s ont laissé la même cuscute parasiter deux plantes différente­s. Ils ont ensuite placé des chenilles d’un papillon, la noctuelle, sur une feuille de l’une des plantes. L’attaque des insectes a entraîné une modificati­on de la régulation de certains gènes, ainsi qu’une augmentati­on de l’activité de protéines antiinsect­es : les inhibiteur­s de trypsine. Cette réaction s’est produite dans la feuille attaquée, mais aussi dans les autres feuilles de la plante.

Résistance à l’ennemi

L’équipe a également observé une augmentati­on de l’activité des inhibiteur­s de trypsine dans l’autre plante parasitée par la cuscute, et ce même si cette plante n’appartenai­t pas à la même espèce que la première. Autre découverte : ce phénomène ne se produit pas si les plantes ne sont pas reliées par la cuscute ; c’est donc bien elle – et non l’échange de composés volatils par exemple – le vecteur du message préalable à la réaction de défense. Les chercheurs ont aussi constaté que les plantes qui reçoivent les signaux sont plus résistante­s à l’ennemi : la masse d’insectes retrouvés sur leurs feuilles est inférieure d’environ un tiers à celle retrouvée sur les plantes non averties du danger. Quant à la transmissi­on du signal d’alerte, elle est rapide : le pic de la transcript­ion des gènes de défense de la plante réceptrice du message intervient environ 45 minutes après l’attaque de la plante émettrice ; et elle peut s’étendre à au moins six plantes reliées en série par la même cuscute, et sur une distance d’un mètre. D’après Anthony Trewavas, professeur émérite à l’Institut de phytotechn­ie moléculair­e de l’université d’Édimbourg, en Écosse, « cette étude est intrigante. La nature de l’informatio­n transférée reste inconnue, il faut la rechercher » . Les biologiste­s souhaitent justement se pencher sur la transmissi­on du signal et les substances qui la rendent possible. La communicat­ion des plantes n’a pas fini de faire parler d’elle. (1) C. Hettenhaus­en et al., PNAS, 114, e6703, 2017.

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La cuscute peut parasiter plusieurs plantes simultaném­ent, comme ici des plants de soja.

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