MATIÈRE DÉFORMÉE
Dans l’article « Un dispositif optique dédié à l’information quantique » ( La Recherche n° 525-526, p. 52), vous écrivez que les bras de l’interféromètre Ligo ont été dilatés et comprimés au passage des ondes gravitationnelles, ce qui aurait provoqué une déformation des tunnels. Ne devrait-on pas plutôt dire que c’est la courbure de l’espace-temps qui varie dans le tunnel rigide ? Ainsi, la distance parcourue par le laser subit une variation au passage de l’onde gravitationnelle, sans déformation d’objet matériel.
Réponse de Pierre-François Cohadon, physicien Les deux interprétations sont possibles. Les ondes gravitationnelles ont bien déformé les tunnels, comme tout objet matériel. Dans les années 1960, le physicien américain Joseph Weber avait d’ailleurs tenté de détecter la déformation de barres métalliques sous l’effet des ondes gravitationnelles. Mais la sensibilité de l’expérience n’était pas suffisante. Dans le cas d’un interféromètre, l’effet de l’onde gravitationnelle est mesuré par le déphasage d’une onde lumineuse se déplaçant entre deux miroirs. Dans le calcul utilisé par les physiciens pour décrire le phénomène, c’est le chemin optique suivi par la lumière qui varie. Les coordonnées donnant la position des miroirs ne changent pas. Ainsi, on peut considérer que l’onde gravitationnelle a un effet soit sur la lumière, soit sur la matière. Mais dans le cadre de la relativité générale, ces deux façons de considérer le phénomène sont équivalentes. Elles dépendent seulement du système de coordonnées choisi pour le décrire. Le déphasage, lui, ne dépend pas de ce système. C’est ce paramètre qui a été mesuré par les détecteurs Ligo et Virgo.