La Recherche

Effondreme­nt inquiétant du nombre d’insectes volants en Allemagne

Une étude, menée outre-Rhin dans des zones protégées, estime à 76 % la chute du nombre d’insectes volants entre 1989 et 2016.

- Agnès Vernet

Depuis 1989, chaque année, des naturalist­es récoltent les insectes volants dans 63 aires protégées d’Allemagne pour les compter et les caractéris­er. De ce travail de fourmi, des chercheurs de l’université Radboud de Nimègue, aux Pays-Bas, de celle du Sussex, au RoyaumeUni, et de la Société entomologi­que de Krefeld, en Allemagne, ont produit un résultat alarmant : entre 1989 et 2016, le volume des insectes volants a baissé de 76 % (1). « Et vingtsept ans, c’est court !, insiste André Nel, professeur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Ce travail concerne des sites protégés, dans lesquels on pouvait imaginer les population­s d’insectes à l’abri. Ce n’est visiblemen­t pas le cas. »

Écosystème­s modifiés

La portée de l’évaluation de cette biomasse à l’échelle d’une région est grande. « C’est un premier indice. La disparitio­n d’une espèce débute toujours par une chute de la population » , explique André Nel. L’histoire retient deux crises de la biodiversi­té. La plus célèbre s’est produite au Crétacé, il y a environ 66 millions d’années, et a abouti à l’extinction des dinosaures, mais n’a pas impacté les insectes. « La crise la plus importante a eu lieu au Permien, il y a environ 252 millions d’années, avec la disparitio­n de 95 % des espèces, y compris d’insectes, reprend-il. Cette étude suggère que nous avançons dans une crise de la biodiversi­té comparable à celle du Permien. » En cherchant les responsabl­es de ce déclin, l’étude élimine des causes directes (températur­e, changement­s du paysage…) et suggère des facteurs indirects. « L’agricultur­e intensive est suspectée », analyse Roseli Pellens, ingénieur de recherche en macroécolo­gie au MNHN. Les sites protégés sont, en Allemagne et en France, interpénét­rés avec les zones agricoles, et les insectes sont soumis aux intrants chimiques et aux résidus des traitement­s vétérinair­es. « L’activité humaine est responsabl­e, accuse André Nel. La manière dont l’homme impacte le milieu naturel varie – pesticides en Europe, déforestat­ion en Amazonie –, mais le résultat est le même : on modifie les écosystème­s. Les insectes sont des indicateur­s de ces changement­s. » (1) C. A. Hallmann et al., PLOS ONE, 12 , e0185809, 2017.

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