L’atmosphère perdue de la Lune
Il y a 3,5 milliards d’années, la Lune était dotée d’une atmosphère qui s’est dissipée rapidement. Les géochimistes ont pu estimer les paramètres de cet épisode.
Notre satellite est aujourd’ hui un astre mort. Pourtant, à une époque reculée, ce n’était pas le cas. Deux géochimistes américains viennent de montrer que, dans un lointain passé, la Lune avait une atmosphère issue de sa forte activité volcanique, et que sa pression atmosphérique était de l’ordre de celle de l’atmosphère actuelle de Mars (1). Comment estimer les paramètres de cet épisode ancien ? D’abord en évaluant le volume de basalte qui forme les mers lunaires, témoignage de cette intense activité volcanique. Les géochimistes ont ensuite calculé la quantité d’éléments volatils dégazés. « On se doutait que la Lune devait avoir une atmosphère, révèle Frédéric Moynier, de l’Institut de physique du globe de Paris. Mais, pour la connaître, il fallait estimer la proportion d’éléments volatils des basaltes lunaires. » Les précisions instrumentales progressant, l’analyse des échantillons lunaires rapportés lors des missions Apollo 15 et Apollo 17 a révélé des traces d’éléments volatils, dont de l’hydrogène (2). Résultat : à son pic de pression, il y a 3,5 milliards d’années, l’atmosphère lunaire contenait du monoxyde de carbone, du soufre et de l’eau. Le volume dégazé lors des éruptions était suffisant pour produire une atmosphère dont la
pression était de 1 000 pascals, soit 1,5 fois la pression atmosphérique actuelle sur Mars et 1 % de celle de la Terre. Cet épisode a été de courte durée : en 70 millions d’années, le gaz s’est échappé de la gravité lunaire. Mais certains éléments volatils ont pu être piégés dans la froideur des pôles lunaires, où règne une nuit permanente. « Les missions lunaires de retour d’échantillons, telles que l’envisage l’Agence spatiale européenne, pourraient livrer des échantillons du pôle Sud lunaire contenant ces gaz », conclut Frédéric Moynier.
D. Needham et D. Kring, Earth and Planetary Science Letters, 478, 175, 2017. A. Saal et al., Nature, 454, 192, 2008 ; E. Hauri et al., Science, 333, 213, 2011.