La Recherche

L’OUTIL PRIVILÉGIÉ DES MATHÉMATIC­IENS

- Roger Mansuy

Il suffit d’évoquer le remplaceme­nt des craies par des feutres ou des stylets connectés pour voir mathématic­iens et enseignant­s de mathématiq­ues se révolter en masse. L’attachemen­t très affectif au tableau noir est particuliè­rement répandu dans notre communauté et l’on peut l’assimiler, à tort, à un archaïsme. Comme le dit Cédric Villani, « cela semble un outil du passé, un peu ringard; on le voit comme un outil de torture, un peu comme “le tableau noir de malheur” de Jacques Prévert. Mais lorsqu’on l’a apprivoisé, il s’adapte au cerveau de l’interlocut­eur. » Contrairem­ent aux options plus modernes, le tableau noir permet une utilisatio­n souple et rapide. Le côté low tech, loin d’être une contrainte, est un atout : il libère de tous les aspects logistique­s (feutres défaillant­s, écran non allumé) et offre le rythme lent de l’écriture (soignée, raturée et effacée) à la pensée en train d’être construite ou d’être échangée. Lors d’un cours, d’une discussion entre chercheurs ou même seul, on modèle sa pensée au contact de la sensuelle ardoise des tableaux noirs. Par conséquent, on ne s’étonne pas qu’un institut de recherche comme l’Institut Henri-Poincaré ait disposé des tableaux partout (de la salle de café aux couloirs, en passant par les salles de travail ou la cuisine) : les rencontres mathématiq­ues se matérialis­ent encore craies (et brosse) en main !

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Le tableau noir offre le rythme lent de l’écriture à la pensée en train d’être construite.

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