L’OUTIL PRIVILÉGIÉ DES MATHÉMATICIENS
Il suffit d’évoquer le remplacement des craies par des feutres ou des stylets connectés pour voir mathématiciens et enseignants de mathématiques se révolter en masse. L’attachement très affectif au tableau noir est particulièrement répandu dans notre communauté et l’on peut l’assimiler, à tort, à un archaïsme. Comme le dit Cédric Villani, « cela semble un outil du passé, un peu ringard; on le voit comme un outil de torture, un peu comme “le tableau noir de malheur” de Jacques Prévert. Mais lorsqu’on l’a apprivoisé, il s’adapte au cerveau de l’interlocuteur. » Contrairement aux options plus modernes, le tableau noir permet une utilisation souple et rapide. Le côté low tech, loin d’être une contrainte, est un atout : il libère de tous les aspects logistiques (feutres défaillants, écran non allumé) et offre le rythme lent de l’écriture (soignée, raturée et effacée) à la pensée en train d’être construite ou d’être échangée. Lors d’un cours, d’une discussion entre chercheurs ou même seul, on modèle sa pensée au contact de la sensuelle ardoise des tableaux noirs. Par conséquent, on ne s’étonne pas qu’un institut de recherche comme l’Institut Henri-Poincaré ait disposé des tableaux partout (de la salle de café aux couloirs, en passant par les salles de travail ou la cuisine) : les rencontres mathématiques se matérialisent encore craies (et brosse) en main !