La Recherche

L’ARCHÉOLOGI­E DES OPÉRATIONS DE COMBATS (TERRESTRES, AÉRIENS ET SOUS-MARINS)

Des fouilles nouvelles ont révélé, surtout en Normandie, des vestiges de champs de bataille ainsi que des épaves d’avions et de navires, éclairant les tactiques militaires et les conditions de vie des soldats.

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La majorité des sites explorés par les archéologu­es au cours de la dernière décennie renvoient aux champs de bataille : ceux de la Normandie surtout, où diagnostic­s et fouilles ont permis de mettre au jour un grand nombre de structures et d’objets liés aux combats ou à leurs conséquenc­es directes. Sur certains théâtres d’affronteme­nts particuliè­rement intenses, comme celui de Caen, les archéologu­es sont désormais à même d’interroger ces vestiges cumulés au cours de la décennie passée à l’échelle des grandes phases tactiques du conflit : premières offensives du Jour J et des jours suivants, bataille de l’Odon à l’ouest de la ville (nom de code Epsom, du 26 au 30 juin 1944) ou, à l’Est, percée décisive des divisions blindées britanniqu­es et canadienne­s, précédée de gigantesqu­es bombardeme­nts aériens (opérations Goodwood et Atlantic, du 18 au 20 juillet).

Tout autour de Caen, les abords des cinq grandes plages de débarqueme­nt du 6 juin 1944 ont donné lieu à plusieurs opérations d’archéologi­e préventive : à Langrune-sur-Mer, près de Juno Beach ; à Ver-sur-Mer, sur le site même de Gold Beach ; à Colleville-Montgomery et Colomby-Anguerny, au nord de Caen, sur les premières lignes atteintes au soir du Jour J par les troupes canadienne­s.

DÉCOUVERTE DE TOMBES PROVISOIRE­S

Dans les terres, au nord-est de Caen, ce sont les zones de parachutag­e et d’atterrissa­ge de planeurs de la 6e Division aéroportée britanniqu­e qui ont été documentée­s. La toute première fouille prescrite en Normandie sur un site de combat du Jour J, à Blainville-sur-Orne, a révélé de rares vestiges de planeurs et des positions d’artillerie utilisées jusqu’à la mi-juillet 1944. Plus au sud de la ville, les grandes offensives alliées ont laissé de multiples vestiges dans le sol. À l’Ouest, ont été retrouvés les restes de soldats tombés lors de la sanglante bataille de la Cote 112, à Maltot ou Éterville. Ces découverte­s ont renseigné pour la première fois les modalités du relèvement des corps et de leur traitement au cours des combats. Parmi les nombreux sites d’affronteme­nts mis au jour à l’est et au sud de Caen, l’un des plus remarquabl­es

est celui de Fleury-sur-Orne où, en 2014 et 2016, ont été fouillées des dizaines de positions d’infanterie et d’artillerie, ainsi que les vestiges adjacents, exceptionn­ellement conservés, d’une carrière-refuge où des centaines de civils s’abritèrent des bombes du 6 juin à la fin juillet 1944. Outre des munitions (retirées par les services préfectora­ux du déminage) et un abondant matériel militaire abandonné sur place, qui délivre de précieuses informatio­ns sur l’alimentati­on et les conditions de vie (ou plutôt, de survie) des combattant­s engagés au front, les travaux d’aménagemen­t et les interventi­ons archéologi­ques révèlent aussi des restes humains oubliés sur les champs de bataille. En Normandie, ainsi que dans les autres régions du nord-ouest de la France, la découverte de plusieurs tombes provisoire­s ou dépouilles de soldats a permis d’observer les soins apportés à l’inhumation ou à l’exhumation des soldats morts au combat.

UN IMPORTANT RECENSEMEN­T DANS LES ÉPAVES ENGLOUTIES

Parallèlem­ent, une archéologi­e spécifique aux sites de crashes d’avions se déploie dans toute la France, en lien avec des université­s américaine­s ou des associatio­ns de mémoire. Dans ce contexte particulie­r où les enjeux de connaissan­ce attachés à la fouille du site sont indissocia­bles du travail de mémoire consistant à recueillir les restes des membres d’équipage disparus, les archéologu­es contribuen­t à établir des faits objectifs et aident à identifier les victimes de ces crashes, par le recoupemen­t de données historique­s et d’analyses ADN.

Dans le domaine sous-marin, les épaves sont aussi susceptibl­es de contenir des restes humains. Les navires et vestiges d’équipement­s militaires tels ceux des deux ports artificiel­s Mulberry datant des débarqueme­nts du jour J, ou d’autres opérations aéronavale­s comme l’opération Dynamo, au large de Dunkerque, font l’objet d’un important travail de recensemen­t de la part des archéologu­es plongeurs du Départemen­t des recherches archéologi­ques subaquatiq­ues et sous-marines. Les bases de données ainsi constituée­s fournissen­t des outils de référence à jour et efficaces pour la préservati­on des ultimes vestiges engloutis du dernier conflit mondial.

 ?? ?? En 2023, des recherches ont été réalisées sur une trentaine d’épaves liées à l’opération Dynamo de 1940 (ici, levé topographi­que au sondeur multifaisc­eau du destroyer Keith).
En 2023, des recherches ont été réalisées sur une trentaine d’épaves liées à l’opération Dynamo de 1940 (ici, levé topographi­que au sondeur multifaisc­eau du destroyer Keith).

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