La Montagne aux étoiles
Le 15 juillet 2019, branle-bas de combat sur l’île la plus au sud, mais aussi la plus grande de l’archipel d’Hawaï. Huit membres du peuple kanaka maoli (la communauté autochtone hawaïenne) s’opposent au passage d’engins de terrassement et de minibus vers le volcan Mauna Kea, l’une de leurs montagnes sacrées et le point culminant du Pacifique
(4 207 mètres). Leur mobilisation répond à l’autorisation de construction d’un nouveau télescope sur le sommet, donnée quelques jours plus tôt par le gouverneur de l’État. Passionné d’astronomie, et présent dans l’archipel au moment des événements, le sociologue Pascal Marichalar se met à enquêter sur cette bataille qui déchire l’île depuis des années. Sa plongée dans les archives des observatoires, des instituts universitaires, des journaux locaux, etc., et auprès des différentes parties prenantes (astronomes, militants écolos, ouvriers, populations locales, entre autres) donne à voir la transformation de Mauna Kea en
« capitale astronomique du monde » . Surtout, elle met en lumière comment à Hawaï – comme au Chili, aux Canaries, en Afrique du Sud ou en Australie –, la construction des télescopes de pointe se fait souvent aux dépens de l’environnement naturel (biodiversité) et social (les populations locales, souvent autochtones). « Il y a l’idée que le monde entier est potentiellement disponible pour les entreprises scientifiques » et que « la question des modalités pratiques de [son] appropriation et de [son] usage (…) [n’est] qu’une formalité » , relève le sociologue, dont l’invitation à réfléchir de manière critique sur les conditions de réalisation de la science touche juste. Un livre intelligent.
Pascal Marichalar, La Découverte, avril 2024, 304 p., 22 €.