La République de Seine-et-Marne (Édition A-B)
Le journaliste Jacques Pradel souhaite l’imprescriptibilité des crimes de sang
Jacques Pradel réclame l’imprescriptibilité des crimes de sang, via une pétition en ligne. Ses arguments se basent notamment sur l’énigme des fiancés de Fontainebleau. Interview.
Homme de radio et de télévision, le journaliste Jacques Pradel prend pour exemple le meurtre d’Anne- Sophie Vandamme et de Gilles Naudet en forêt de Fontainebleau, jamais résolu, pour demander l’imprescriptibilité des crimes de sang. Il répond aux questions de La République de Seine-et-Marne.
➜ Alors qu’on a célébré à la Toussaint les 35 ans de l’énigme des fiancés de la forêt de Fontainebleau, vous lancez une pétition sur l’imprescriptibilité des crimes de sang, avec le journaliste essonnien Christian Porte, qui a couvert l’affaire. Quels sont vos arguments ?
Nous sommes favorables à l’allongement du délai d’imprescriptibilité et, à terme, supprimer la prescription. En 2017, deux députés avaient fait une proposition de loi qui avait abouti à faire passer la durée de prescriptibilité de 10 à 20 ans. Mais nous pensons que ce n’est pas suffisant. Les progrès scientifiques sont tels que cette période de 20 ans n’est plus en adéquation avec les moyens techniques de la police. Il y a eu la révolution de l’ADN et l’affaire de la fillette martyre de l’autoroute A 10 a ainsi pu être résolue plus de 30 ans après, mettant en cause ses parents. Citons aussi, à titre d’exemple, le rebondissement dans le dossier du Grêlé, ce tueur et violeur en série dont le parcours criminel a commencé en 1986.
➜ Cette pétition en ligne a-t-elle du succès ?
En près de quatre semaines, nous avons recueilli plus de 18 000 signatures sur Mesopinions.com. C’est énorme et cela montre la sensibilité du public par rapport à ce sujet. Des avocats ont signé et nous savons que beaucoup de magistrats et de chroniqueurs judiciaires souhaitent un changement. Nous pensons que les journalistes sont là aussi pour faire bouger les choses et faire oeuvre utile. Il faudrait désormais un grand débat sociétal. Le président Macron avait annoncé avec tambour et trompettes les Etats généraux de la justice mais il ne s’est rien passé. C’est pourtant un vrai problème de société et les familles des victimes n’arrivent pas à digérer que l’action de la justice s’éteigne. Le pardon légal n’est plus supporté par la société. On veut faire savoir que cette pétition reste ouverte et on souhaite qu’elle prenne de l’ampleur.
➜ Pourquoi l’affaire des fiancés de Fontainebleau est-elle emblématique de votre démarche ?
J’ai découvert l’affaire par le biais de Christian Porte qui avait participé aux battues en forêts, à l’endroit où les cadavres de Gilles Naudet et d’Anne-Sophie Vandamme avaient été découverts plus tard, après avoir
été conservés quelque part. L’enquête n’a pas creusé les bonnes pistes et je pense que la justice a agi sous la pression du monde de la chasse, tout en étant confrontée à l’omerta. Et puis, il y a eu des fuites, notamment sur le jeune suspect qui a été déféré trop vite avant qu’il n’y ait des preuves. Il a finalement été acquitté à la cour d’assises, au bénéfice du doute. On ne peut que s’en féliciter. Il reste cependant deux morts et l’affaire n’a jamais été résolue.
➜ Jusqu’où va votre collaboration avec Christian Porte ?
C’est un ami. J’avais fait une première émission sur Europe 1 avec lui en 2009 puis je lui en ai consacré deux autres sur RTL, dans l’Heure du crime. J’ai été touché par l’attachement de ce journaliste à l’affaire de Fontainebleau. Puis son troisième livre sur le sujet est paru dans la collection Jacques Pradel. Il est très sincère et l’idée de la pétition est venue de lui. Je m’y suis associé tout de suite.
➜ Cette affaire a-t-elle a-t-elle une chance d’être réexaminée par le pôle cold case créé à Nanterre ?
Non, car il ne sélectionne que les affaires où l’instruction est toujours en cours, avec l’espoir de trouver des preuves. Ce pôle, qui traite environ 200 enquêtes, est très satisfaisant mais cela reste insuffisant. Il en faudrait une dans chaque région. Il y a en effet de nombreux exemples d’affaires qui n’ont jamais abouti.
➜ Comment peut-on mener une enquête si longtemps après les faits, alors que les auteurs, les témoins et les preuves ont potentiellement disparu ?
Certes, il peut y avoir un dépérissement des preuves et des récits possibles, mais on peut encore trouver des éléments longtemps après, grâce notamment à l’ADN. Il faut savoir qu’une seule cellule suffit pour pouvoir en extraire.
➜ Avez-vous déjà eu des réponses des autorités judiciaires ?
Il y a eu une lettre ouverte à l’intention du ministre de la Justice, Eric Dupond- Moretti, argumenté sur la base des fiancés de Fontainebleau et j’ai écrit à Emmanuel Macron. Son cabinet a répondu qu’il transmettait au garde des Sceaux. On attend toujours la réponse... Il faut savoir que nous agissons dans le sens d’une démarche citoyenne, en dehors de toute raison idéologique et sécuritaire.
➜ Vous venez de cosigner un livre que vous présenterez prochainement à Melun...
Je serai en effet le samedi 16 mars au salon littéraire de l’Ecole des officiers de la gendarmerie de Melun. La parution de ce livre paru aux éditions du Rocher, Police scientifique, le choc du futur, aura lieu le mercredi 28 février prochain. J’aborde la révolution de la criminalistique et l’élaboration de nouvelles technologies qui sont loin d’être terminées. Cela justifient l’allongement nécessaire, voire l’abolition, de la période actuelle de prescription pour les homicide volontaires passibles d’au moins 20 ans de réclusion. Ces techniques permettent déjà de résoudre des affaires très anciennes et cette période devrait encore s’allonger dans le futur !
L’enquête n’a pas creusé les bonnes pistes
Une démarche citoyenne, en dehors de toute raison idéologique et sécuritaire
■ Pétition en ligne : www. Mesopinions.com (taper petition/justice/imprescriptibilité des crimes de sang/ouvrons le débat)