La République de Seine-et-Marne (Édition A-B)
Répit et nouveaux espoirs judiciaires pour la mairie dans l’affaire de la « montagne de terre »
Le Conseil d’État a gelé temporairement les effets de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris qui avait sommé en juin 2023 la commune d’Emerainville de procéder à l’évacuation de la « montagne de terre » entreposée illégalement.
Le Conseil d’État a gelé temporairement les effets de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris qui avait sommé en juin 2023 la commune d’Emerainville ( Seine- et- Marne) de procéder à l’évacuation de la « montagne de terre » entreposée illégalement sur le terrain d’un promoteur.
Rappel des faits
Pour rappel, dans cette affaire, la société Pylos Émerainville, basée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et dirigée par un entrepreneur belge, avait acheté en novembre 2011 ce terrain situé au 44 boulevard de Beaubourg, près de la Francilienne, dans le but de le revendre ultérieurement à GFDI 123, une société détenue par la famille Bahadourian, qui dirige l’enseigne Grand Frais.
Suite à plusieurs occupations par des gens du voyage, le promoteur immobilier avait donc demandé, en 2015, à la commune d’empêcher les intrusions... mais au lieu des traditionnels blocs de pierre déposés à l’entrée des terrains, un monticule de terre « de 6 à 9 mètres de haut » avait été entreposé sur la quasi-totalité de la parcelle... soit près de 1,5 hectare ! « Ce qui équivaut à une hauteur d’environ un étage et demi d’un bâtiment collectif » , avait comparé la Cour administrative d’appel de Paris dans ses deux arrêts contestés en date du 21 juin 2023.
La police municipale d’Émerainville avait en effet pointé « l’insalubrité » et « la dangerosité » du site, suite à une nouvelle occupation par des gens du voyage : il était « recouvert de gravats de grande taille » , de « pièces d’acier rouillées tranchantes » et d’une « fosse d’une profondeur importante sur la moitié (...) du site » . Les « trous béants d’environ un à deux mètres de profondeur » pouvaient aussi « occasionner des chutes » .
Une évacuation à 3,5 millions € ?
Pylos Émerainville avait demandé par la suite à la mairie de retirer cette « montagne de terre » , mais la société qu’elle avait fait intervenir avait été placée entre-temps en liquidation judiciaire.
Face au « coût disproportionné » des travaux, la commune avait donc refusé de les exécuter à ses frais, préférant mettre en avant la « faute » initiale du promoteur : il va aussi falloir « retraiter » ces terres « polluées » .
Mais le tribunal administratif de Melun avait condamné la municipalité, en 2021, à verser un peu plus de 36 000 euros à l’entreprise, et lui avait « enjoint » de procéder au « retrait complet » du monticule de terre sous dix mois.
En appel, la somme avait même été triplée pour être portée à près de 92 000 euros ; le talus devait cette fois-ci être évacué « dans un délai de six mois » avec 1 000 euros par jour de retard.
Reste que cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris « a pour effet d’enjoindre à la commune (...) de procéder à l’ensemble de la hauteur du talus » , rappelle le Conseil d’État dans un arrêt en date du 18 janvier 2024 qui vient d’être rendu public. « Le coût total d’évacuation (...) peut être évalué à environ 3,5 millions d’euros. Dès lors, (...) l’arrêt (...) risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables pour la commune compte tenu des incidences financières de cette opération au regard du budget de la commune » ,y lit-on.
Désormais protégée par ce « sursis à exécution », la commune d’Émerainville peut aussi avoir l’espoir d’être mise totalement hors de cause quand l’affaire reviendra sur le fond devant le même Conseil d’État : les arguments sur « l’erreur de droit » qu’aurait commise la Cour administrative d’appel de Paris « paraissent sérieux » et « de nature à justifier (...) l’infirmation de la solution retenue » . De la même façon, le Conseil d’État estime à première vue qu’un « motif d’intérêt général » était de nature à justifier « l’abstention » de la commune.
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