MONTRES D’EXPLORATEURS
Il est minuit, docteur Schweitzer
Si aujourd’hui on cherche à connaître l’heure tout au long de la journée, c’est bien souvent pour des raisons pratiques : ne pas manquer un rendez-vous, un train, un film, un déjeuner ou tout autre événement de notre vie quotidienne menée généralement à un rythme trépidant.
Jadis, lorsque l’activité économique était avant tout agricole, le soleil servait d’indicateur temporel. On se levait quand le jour naissait et l’on se couchait lorsque l’obscurité tombait. Et même, les premières horloges apparues au Moyen-âge ne disposaient que d’une seule aiguille indiquant les heures – on n’était pas à dix, vingt ou trente minutes près…
Pourtant, un domaine bien particulier allait imposer une amélioration de la précision des instruments horlogers : la navigation maritime. Durant des millénaires, seule l’observation du Soleil dans le ciel avait aidé les marins à se situer à la surface des océans. Au xviiie siècle, la détermination de la latitude par la position des astres s’effectuait aisément. Mais en revanche, calculer la longitude s’avérait bien plus difficile en raison de l’absence d’instruments horlogers suffisamment fiables : pour atteindre un niveau de précision satisfaisant, il aurait fallu conserver tout au long du voyage l’heure locale du dernier port dont le méridien était connu.
C’est en 1759 qu’un horloger anglais, John Harrison, réussit à mettre au point une montre capable de répondre aux exigences des navigateurs. Entre novembre 1761 et janvier 1762, son chronomètre accompagna une traversée longue de 81 jours à bord d’un voilier, en ne présentant à l’arrivée qu’un écart de cinq secondes seulement. Le concept de « chronomètre de marine » venait de naître.
Grâce à ces instruments horlogers performants, l’ère des grandes circumnavigations pouvait commencer. Et des explorateurs entrés dans la légende, comme Bougainville, La Pérouse ou Cook, se lancèrent dans des expéditions au bout du monde, au milieu de zones encore inconnues et jamais cartographiées.
Un hommage aux explorateurs portugais
Bien plus tard, au cours des années 1930, deux négociants portugais demandèrent à la manufacture IWC une montre capable d’afficher la même fiabilité qu’un véritable chronomètre de marine. Les horlogers suisses conçurent alors une montre-bracelet de précision à partir d’un mouvement de montre de poche. En 1939, elle fut baptisée Portugaise, à la fois en hommage aux deux hommes d’affaires à l’origine de sa création et aux grands explorateurs comme Magellan,
Vasco de Gama ou Cabral. « Lancées à l’assaut des horizons maritimes, les aiguilles des Portugaises ont arpenté et mesuré toutes des courbes du globe, année après année, de parallèles en méridiens, de mers en océans, de continent en continent », racontent les historiens de Schaffhausen. De tout temps, les océans représentèrent un champ d’exploration béni pour les arpenteurs de l’horizon, des Phéniciens aux Vikings en passant par les Amérindiens. Justement en 1947, Thor Heyerdahl, un anthropologue-navigateur norvégien, voulut vérifier une théorie : d’après lui, la Polynésie avait pu être peuplée au cours de la préhistoire, non par des immigrants venant de l’asie du Sud-est, mais par des Amérindiens ayant franchi le Pacifique en se laissant porter par les courants. Thor Heyerdahl fit construire au Pérou un radeau en troncs de balsa, le Kon-tiki, puis, accompagné de cinq équipiers scandinaves, il
confia sa vie à l’océan. Trois mois après avoir quitté les côtes de l’amérique du Sud, la frêle embarcation accosta sur l’atoll de Raroia, dans les îles Tuamotu. Preuve était faite… Petit détail pratique : pour sa traversée transpacifique, Thor Heyerdahl avait emporté une montre Eterna. Ce qui incita par la suite la marque à baptiser Kon-tiki, l’une de ses collections.
Toujours fidèle à la mémoire des explorateurs et des scientifiques qui cherchèrent à mieux comprendre l’histoire du monde, IWC donna, en 2014, le nom de Darwin à sa première montre Aquatimer réalisée en bronze. Naturaliste et paléontologue britannique, Charles Darwin établit, lors d’un voyage aux Galapagos, la théorie de l’évolution dans son ouvrage L’origine des espèces, édité en 1859. À cette époque, nombre d’instruments maritimes et éléments d’accastillage étaient réalisés en bronze en raison de la solidité et de la résistance à la corrosion de ce matériau.
L’aventure dans les airs
Avec l’apparition de l’aviation, à l’aube du XXE siècle, c’est par la voie des airs que de nouveaux explorateurs partirent à la conquête du monde. Si la surface de la planète avait été à peu près entièrement cartographiée, le défi consistait cette fois à rapprocher les continents en effectuant des voyages de plus en plus rapides.
Le 21 mai 1927, l’aviateur américain Charles Lindbergh franchit pour la première fois l’atlantique à bord du Spirit of Saint-louis, en 33 heures et 30 minutes de vol. Et Longines entra dans l’histoire en tant que chronométreur de l’exploit.
Le 8 mai 1935, cette fois, l’intrépide Américaine Amélia Earhart effectua le premier vol Mexico-new York et conserva le souvenir de cette aventure en faisant graver l’itinéraire sur le dos du boîtier de sa Jaegerlecoultre Reverso.
En France, Latécoère, Nungesser, Coli, Saint-exupéry ou Mermoz firent rimer aviation et grands espaces, ce dernier portant une Lip Type 10 lorsqu’il pilotait son légendaire hydravion Croix du Sud. C’est d’ailleurs à l’intention des pionniers de l’aéropostale que Lip avait lancé, en 1935, une petite production de montres de bord réputées pour leur fiabilité.
Mais pour Jean Mermoz et Amelia Earhart, le temps se figea pour l’éternité lorsque le premier disparut en franchissant l’atlantique Sud, le 7 décembre 1936, tandis que l’on perdit définitivement la trace de la seconde dans le Pacifique, le 2 juillet 1937… Impossible, ici, de ne pas rappeler le nom de la montre qui participa à la plus grande exploration de l’histoire de l’humanité, à savoir l’omega Speedmaster. Ce chronographe, conçu en 1957 à l’intention des pilotes automobiles, fut surnommé Moonwatch lorsque l’astronaute américain Neil Armstrong posa le pied sur la Lune, le 21 juillet 1969, son Omega fixée par un large bracelet Velcro sur la manche de sa combinaison.
À la découverte des abysses
Si la Speedmaster dut franchir 400 000 km à travers l’espace interstellaire pour entrer dans la légende, une autre Omega n’eut besoin que d’une dizaine de kilomètres pour en faire autant. Mais quels kilomètres ! Ceux séparaient, en effet, la surface de l’océan
Pacifique du fond de la fosse des Mariannes…
Les premiers explorateurs des grands fonds furent l’océanographe suisse Jacques Piccard et l’officier de marine américain Don Walsh. Le 23 janvier
1960, leur bathyscaphe nommé Trieste parvint à atteindre une profondeur de -10 916 mètres. Plus d’un demi-siècle plus tard, le 26 mars 2012, ce fut au tour du cinéaste James Cameron de s’attaquer à ce fameux point extrême baptisé «Challenger Deep». Seul à bord d’un submersible expérimental de 8 m de long en forme de torpille, Cameron inscrivit -10 908 mètres sur son livre de bord personnel. Et constata après son retour à la surface que la Rolex Deepsea Challenge installée à l’extérieur de la coque du sous-marin, à l’extrémité d’un bras articulé, avait parfaitement résisté à la pression phénoménale.
Il y a deux ans, un homme d’affaires-explorateur américain âgé de 53 ans, Victor Vescovo, s’était lancé un défi téméraire : devenir le premier homme à descendre dans chacune des zones les plus profondes des cinq océans. En décembre 2018, aux commandes d’un submersible conçu spécialement, il commença par atteindre le fond de l’océan Atlantique, à
-8 400 mètres, au large de Porto Rico. Puis il enchaîna avec l’exploration de la fosse des Sandwich du Sud, dans l’océan Austral (-7 437 mètres), avant de s’attaquer à la fosse de Java dans l’océan Indien
(-7 192 mètres).
Le 28 avril 2019, il se rendit dans le Pacifique
avec, en tête, les exploits de ses prédécesseurs, Jacques Piccard, Don Walsh et James Cameron.
Et en parvenant à atteindre le fond de la fosse des Mariannes à -10 928 mètres, il décrocha le record du monde de profondeur, qui fut attribué en parallèle à Omega. Victor Vescovo avait, en effet, fixé sur les bras robotiques du sous-marin et sur une sonde d’accompagnement, trois montres Seamaster Planet Ocean Ultra Deep en titane.
L’heure au sommet
Entre cet exploit abyssal et celui accompli, le
29 mai 1953, par Edmund Hillary, il existe un point commun : la verticalité. L’alpiniste néo-zélandais, accompagné par le sherpa Tenzing Norgay, avait en effet décidé d’atteindre le toit du monde, c’est-àdire l’everest, à une altitude de 8 848 mètres. Et si l’omega de Victor Vescovo avait dû résister à une pression infernale, la Rolex Oyster d’edmund Hillary fut obligée, quant à elle, de supporter des températures glaciales. C’est d’ailleurs pour rendre hommage à cette ascension historique que Rolex conçut par la suite son célèbre modèle Explorer. Si la notion d’exploration reste liée dans l’esprit du grand public à la découverte de territoires inconnus, gravir des montages par des voies nouvelles ajoute l’exploit physique à cette dimension pionnière. Ne faudrait-il pas d’ailleurs inventer le terme « exploirateur » pour caractériser
les alpinistes empruntant pour la première fois des pentes inviolées ?
En novembre 2009, Pierre Schaffter, célèbre grimpeur suisse, Little Karim Balti, sherpa pakistanais, et Apa Sherpa, l’auraient bien mérité, lorsqu’ils atteignirent le sommet d’un pic de l’himalaya encore vierge et extrêmement difficile d’accès, à 6 589 mètres d’altitude. À leur poignet figuraient trois montres Jaeger-lecoultre : un chronomètre Geophysic de 1958, une Master Compressor Extreme LAB de 2007 et le prototype de la Master Compressor Extreme LAB 2.
L’âge de glace
Les températures extrêmes régnant dans l’himalaya représentent assurément l’un des pires challenges pour une montre mécanique. Seules des huiles spéciales particulièrement fluides peuvent empêcher les mouvements de se bloquer, figés par le froid. C’est dire la qualité de la Zenith portée par l’explorateur norvégien Roald Amundsen qui fut, en 1911, le premier à atteindre le pôle Sud au prix d’efforts surhumains. Ce fut également une montre Zenith que le Français Jean-louis Etienne choisit en 2010, lors de son périple aérien en ballon au-dessus du pôle Nord et de l’océan Arctique.
Vingt ans auparavant, en 1990, c’est une montreboussole Yema bipole qu’il avait emportée au pôle
Sud, lors de son expédition Transantarctica où il avait parcouru plus de 6 000 km à pied en sept mois. Signalons que la maison Richard Mille a également conçu, en 2018, une montre équipée d’une boussole – une gageure quand on sait que les champs magnétiques sont les ennemis jurés des mouvements mécaniques ! Atout supplémentaire pour les baroudeurs, la RM 25-01 Tourbillon Adventure
Sylvester Stallone dispose d’une capsule en titane pouvant contenir des pastilles de purification d’eau ! Parmi les voyageurs du froid, Mike Horn est l’une des personnalités les plus en vue actuellement, de par son charisme et la passion qui émane de lui. Un amour pour les zones polaires qui a d’ailleurs bien failli coûter la vie au Sud-africain, sauvé in extremis en décembre dernier alors qu’il tentait de traverser le pôle Nord, équipé de skis de randonnée. Explorateur au long cours ayant vécu d’innombrables aventures, depuis une descente du fleuve Amazone entre sa source, au Pérou, et l’océan Atlantique, jusqu’à l’expédition Pangaea (un périple de quatre ans sur quelque 100 000 km autour du monde, en passant par les deux pôles et en parcourant tous les continents et tous les océans), Mike Horn ne se sépare jamais de sa montre Panerai. Un modèle édité en série spéciale portant son nom a même été réalisé en Eco-titanium, c’est-à-dire en aluminium recyclé : il s’agit de la Submersible Edition Mike Horn.
Quant à Alban Michon, explorateur et plongeur sous-marin extrême, il avait choisi de se munir d’une ZRC GF300 pour l’accompagner lors de sa dernière expédition, en 2018, l’arktic North Adventure. Son équipement : une paire de skis, un traineau et une voile de kit surf pour parcourir 1 500 kilomètres sur la glace, par des températures descendant jusqu’à -52°C, afin d’effectuer un programme d’études scientifiques.
Soulignons à ce propos que si les explorateurs d’autrefois partaient à la découverte de la planète, leurs successeurs d’aujourd’hui cherchent à présent à la sauver, en attirant l’attention sur les méfaits de la pollution et du réchauffement climatique.
Autres temps, autres héros…