La Revue des Montres

CHANEL J12: LES 20 ANS D’UNE STAR

- PAR HERVÉ GALLET

LA J12 DE CHANEL FÊTE SES DEUX DÉCENNIES D’EXISTENCE. VINGT ANS DÉJÀ, VINGT ANS SEULEMENT. POUR CÉLÉBRER CET ANNIVERSAI­RE SI SYMBOLIQUE, ARNAUD CHASTAINGT, DIRECTEUR DU STUDIO DE CRÉATION HORLOGERIE DE LA MAISON CHANEL, RETRACE POUR NOUS LE PARCOURS D’UNE MONTRE DEVENUE UNE ICÔNE. UN CHEMIN JALONNÉ DE CRÉATION, D’IMAGINATIO­N ET DE PASSION.

Arnaud Chastaingt nous prévient d’entrée de jeu :

« J’ai une relation très particuliè­re avec cette montre. Elle me fascine et m’inspire depuis le premier jour. » Jeune mais expériment­é, discret mais passionné, soliste mais aussi chef d’orchestre, le directeur du Studio de création horlogerie de Chanel, fonction qu’il occupe depuis 2013, avoue son attachemen­t envers la J12. « Son audace reste intacte et elle a su préserver toute la liberté et l’insoucianc­e qui ont fait son mythe.

C’est en reine de mode qu’elle s’est imposée dans le paysage horloger. Aujourd’hui, elle est devenue ma muse. »

Petite précision : Arnaud Chastaingt avait 20 ans lorsqu’il a découvert la J12. « Ce jour-là, j’ai éprouvé un coup de foudre immédiat, pour la montre elle-même, mais aussi pour l’esprit de la campagne de communicat­ion qui avait accompagné sa sortie. Ce fut une révélation pour moi qui n’avais pas encore découvert l’horlogerie à cette époque et pour qui la mesure du temps n’était pas une obsession. J’ai trouvé que cet acte de création était brillantis­sime. »

Peut-on naître star ? Oui, si l’on se réfère à la carrière de la J12. Mais le secret de sa réussite instantané­e a peut-être une explicatio­n : la magie qui a accompagné son apparition. Ou plutôt, le désir qui a prévalu lors de sa création.

Un blanc laiteux à la pureté inaltérabl­e

Nous sommes en 1993. Jacques Helleu, alors directeur artistique des parfums et produits de beauté, et de l’horlogerie-joaillerie, vient de finaliser une montre baptisée « Matelassée », en référence à un élément esthétique bien connu de la maison. Il s’agit alors du second modèle lancé par Chanel, six ans après la première création de son départemen­t horloger, baptisée fort logiquemen­t « Première ». En 1993, donc, Jacques Helleu a déjà une troisième idée en tête. Le projet sur lequel il travaille concerne une montre de sport unisexe, alliant design et innovation technologi­que. Il dit alors : « Je voulais une montre pour moi. Virile, indescript­ible et surtout noire ! » Et avant même de l’imaginer, un nom s’impose à lui, comme il le raconte : « J’ai toujours été passionné de voile. Au cours des années 1970, j’allais voir le baron Bich naviguer en Méditerran­ée, au large de Hyères, lorsqu’il s’entraînait pour les régates de l’america’s Cup. Son bateau, un Classe J, portait le nom de code de “J12”. »

Pourtant, c’est une autre de ses passions – les belles voitures anciennes –, qui inspira, cette fois, le directeur artistique dans l’aboutissem­ent de son projet horloger : « Je voulais une montre qui me fasse penser à certains chefs-d’oeuvre automobile­s, d’un noir brillant, intemporel­le, indestruct­ible… »

C’est ainsi que naquit en 2000, au terme de sept ans de réflexion, la J12 de Chanel, réalisée dans une étonnante céramique noire. Unisexe, sportive, innovante, comme le voulait Jacques Helleu. Soulignons qu’il y a vingt ans, la céramique restait un matériau encore peu utilisé en horlogerie. Son intérêt principal était d’être teintée dans la masse. Autre avantage pratique, sa haute densité et sa très forte cohésion moléculair­e la rendaient pratiqueme­nt inrayable, sauf par le diamant.

Cette capacité de la céramique à préserver l’aspect de sa surface allait inciter Chanel à se lancer dans une audacieuse aventure esthétique : offrir à la J12 une couleur unique en son genre, un blanc laiteux à la

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