Bordeaux
Heureusement, les liquoreux sont là
Habitué à vivre des millésimes plutôt tranquilles depuis une vingtaine d’années, Bordeaux s’est soudainement rappelé que la nature pouvait être impitoyable. Il faut, en efet, remonter à la décennie 70 pour trouver des conditions climatiques aussi compliquées à gérer. Rien ou presque n’aura été épargné à la région en 2013. Tout a commencé par un printemps très pluvieux entraînant une foraison hétérogène et tardive. Après un été chaud qui a redonné espoir, les mois de septembre et octobre ont été calamiteux, avec un cocktail humidité-chaleur détonnant qui a déclenché une attaque de pourriture jamais vue par sa virulence et sa rapidité. Aucun vigneron n’a pu défnir sa date de vendange en fonction de la maturité du raisin : « Nous avons sauvé ce que nous avons pu » , reconnaît un propriétaire saint-émilionnais. Menacés par le botrytis, les cabernets ont été récoltés une dizaine de jours avant la date optimale, tandis que les merlots, déjà bien attaqués et peu abondants, ont dû faire l’objet de tris très sélectifs. Et comme cela ne sufsait pas, la région doit aussi faire face à l’une de ses plus faibles récoltes depuis le terrible gel de 1991.
La dégustation de ce millésime s’est donc révélée particulièrement compliquée, et surtout d’une hétérogénéité jamais vue ! Aucun secteur ne peut prétendre s’en être bien tiré ; en revanche, nous pointons tout de même de belles réussites individuelles. Les grands terroirs et les vignerons les plus travailleurs s’en sortent, livrant des vins légers et fns mais gourmands. « Il n’était pas question d’aller extraire des tanins verts ou des faux goûts, il a donc fallu préserver le plus de fruit possible, quitte à faire des vins un peu fuides » , explique un oenologue. Une voie que certains, notamment sur la Rive droite, n’ont pas suivie, élaborant alors des vins secs et durcis par des tanins anguleux. La sélection s’impose donc plus que jamais en 2013.
Dans ce tableau peu réjouissant, les vins blancs tirent leur épingle du jeu. Les secs, tout d’abord, sont généralement très fns et dotés d’une belle acidité. Ils sont aromatiques et devraient bien évoluer. Quant aux liquoreux, ils représentent “la” vraie belle afaire du millésime. Le botrytis est superbe et la fraîcheur des équilibres préservée. 2013 sera pour ces cuvées un très grand millésime de garde, il faut en profter.