L’accord minute, par Olivier Poussier
Originaire de Fès, ce plat populaire du Maghreb traditionnellement à base de pigeon est servi surtout dans les grandes occasions. Aujourd’hui, la pastilla peut aussi être élaborée avec du poulet, de la caille, de la pintade et même du poisson. Ce mets sucré/salé est riche en saveurs : oignon, oeuf, persil, coriandre, gingembre, ras el hanout, mais aussi amandes, miel et cannelle.
De toute évidence, le côté sucré et épicé doit être pris en compte dans le choix du vin qui accompagnera ce plat. Éliminons d’emblée les vins rouges, la rencontre en bouche des tanins avec la sensation sucrée ne faisant pas bon ménage. Sur la pastilla de pigeon, essayez le Grand cru Altenberg de Bergheim 2007 du domaine Marcel Deiss. Assis sur un sol argilo-calcaire exposé plein sud, le terroir de l’Altenberg engendre un vin racé, à la fois ample et gras, tout en gardant une belle identité minérale en fn de bouche. Jean-Michel Deiss fut le premier à développer la notion de terroir à partir de complantations. Cette association incroyable de tous les cépages alsaciens, parfaitement intégrés, révèle un vin d’une rare complexité, dont le 2007 est un excellent exemple. Ses sept années ont dompté l’excès de richesse, le vin s’afne et a gardé une douce suavité. Les amers minéraux donnent du relief et participent à son équilibre et à sa fraîcheur. L’association avec la pastilla est juste. Le vin possède le fond pour s’accorder à la texture de la pastilla, il a cette douceur maîtrisée qui souligne la présence de miel et de cannelle. Il a aussi l’énergie et la fraîcheur qui dynamisent le plat, évitant un excès de douceur. Deux expressions de chenin Si je devais vous conseiller un autre vin, je resterais en Alsace, avec l’expression du cépage pinot gris révélée par le Clos Windsbuhl 2007 du domaine Zind Humbrecht. Issu de l’un des terroirs les plus hauts (350 m) de la commune d’Hunawihr, ce vin impressionne par sa défnition sur des notes de pain d’épices et de mirabelle cuite. Une belle charpente qui enrobe bien la pastilla sans lui imposer sa force.
Sur une pastilla de poisson, souvent composée de merlan, je suggère la vallée de la Loire avec deux expressions de chenin. On peut commencer par le vouvray moelleux demisec 2007 du domaine du Clos Naudin, un vin qui développe une palette sur la pomme cuite et la tatin de prime abord, avec une belle fraîcheur plus agrume, sur des notes de pamplemousse rose. Ses 20 grammes de sucre résiduel lui apportent le juste moelleux pour être en relation avec la pastilla.
L’autre proposition vient d’en face, sur la rive sud de la Loire, sur le terroir de Montlouis : il s’agit du vouvray moelleux 2010 de François Chidaine. Avec ce vin, nous montons en douceur et en concentration, mais la douceur est parfaitement gérée par une belle acidité qui le rend digeste et fringant. Ce moelleux de soif sans excès de douceur et d’une très belle harmonie s’accordera à merveille avec cette pastilla.