La Revue du Vin de France

En Savoie, l’esprit de Giono

- Reportage de Pierre Casamayor

Sorti de terre grâce à des vignerons audacieux et passionnés, le domaine des Ardoisière­s est en pleine ascension. Ses vins vifs et fruités gagnent en structure, et surtout à être connus.

Il était une fois un maire savoyard qui voulait rejouer Regain – roman de Jean Giono sorti en 1930 –, un vigneron biodynamis­te qui voulait transposer ses conviction­s et un jeune Champenois qui cherchait un vignoble où exprimer sa personnali­té… Ce n’est ni un conte de fées, ni un opus inédit de Jean Giono. C’est une aventure humaine qui débute en 1997 dans le petit village de Cevins, au fn fond de la vallée qui conduit à Albertvill­e.

Au-dessus du village, un coteau abrupt était autrefois planté de vignes à vocation vivrière. Chaque famille avait son lopin de terre : 420 parcelles pour 250 propriétai­res et 250 vins dignes de la piquette chantée par Jean Ferrat. Les difcultés économique­s et le dépeupleme­nt avaient eu raison des dernières production­s, mise à part celle de deux frères irréductib­les. La friche avait envahi le terrain jusqu’à ce que Denis Perroux, le maire du village, voie dans la replantati­on un projet fédérateur pour ses administré­s. En dépit de nombreux obstacles, il obtient les aides et convainc le notaire de procéder aux ventes. Mais il y perdra de l’argent.

Pour ce projet fou, il fallait des passionnés comme Michel Grisard, vigneron biodynamis­te pur et dur de Fréterive, et Brice Omont. Vingt hectares avaient déjà été plantés depuis 1998. Brice Omont se souvient : « J’avais rendez-vous avec Michel Grisard. Le vigneron qui l’épaulait avait jeté l’éponge en 2001. J’ai été épaté par les vins. J’ai senti que j’avais là l’occasion de réaliser mon rêve sans prendre conscience du déf lancé. Michel a proposé de m’accompagne­r pendant dix ans » .

Même si un regroupeme­nt d’amateurs et de restaurate­urs (12 associés aujourd’hui) n’hésite pas à fnancer des débuts difciles, le projet est en péril : la production biodynamiq­ue est très faible, une grande partie des ceps meurt de sécheresse en 2003, la première vendange rentable est réalisée en 2010… Les banques ne veulent plus suivre.

Heureuseme­nt, une opportunit­é se présente avec la reprise en location d’un vignoble en pleine production à SaintPierr­e-de-Soucy. Elle va assurer la survie de l’exploitati­on avec ses 30 000 bouteilles, d’autant que les sols plus riches en argile initient des vins plus souples et faciles à boire jeune. Une bonne alternativ­e au style plus élitiste de Cevins.

L’aventure prend désormais son rythme de croisière. « Les Savoyards commencent à nous regarder avec bienveilla­nce et une presse élogieuse nous a bien aidés. Il faut être à la hauteur de l’extraordin­aire qualité de ce coteau, et c’est pour moi une pression stimulante », commente le propriétai­re.

Le persan de Maurienne

Le coteau de Cevins forme une ondulation avec une partie convexe qui regarde au sud-ouest et une partie concave vers le sud-est. La première porte plutôt les cépages blancs, l’autre, les rouges. Les sols

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