Étiquettes : de l’académisme à l’esprit underground
Depuis l’Antiquité, l’étiquette a toujours évolué dans la forme et sur le fond. Mais avec l’essor du bio et des vins “nature”, elle prend des accents de plus en plus identitaires, parfois à la limite de la provocation.
Lsanne 2013). Mais l’homme sait vivre avec son temps. Amateur de musique extrême, il rencontre en 2003 Sigurd Wongraven, alias Satyr, du groupe Satyricon, l’un des musiciens les plus en vue de la scène black metal norvégienne. Le black metal ? Depuis les années 90, cet avatar radical de la pop culture récuse les valeurs de la social-démocratie scandinave et du christianisme à grands coups de guitares saturées, de rythmiques chaotiques, de croix inversées et d’églises brûlées… Suite à cette rencontre, le vigneron et le “métalleux” décident d’élaborer plusieurs cuvées ensemble. Le résultat ? Des vins et surtout des étiquettes distinguées par l’iconographie satanique, incarnant les uca Roagna est l’un des producteurs les plus réputés du Piémont, en Italie. Ce jeune vigneron se revendique d’une tradition payancestrale (lire La RVF n° 568, février
Blasons empanachés
valeurs défendues par les tenants du classicisme piémontais (voir, page suivante, la bouteille à droite). Comme si le tranquille vigneron piémontais s’était mué en imprévisible adorateur de Belzébuth et le sulfureux musicien en gentil oenophile.
L’étiquette se réinvente-t-elle réellement en même temps que les façons de boire ? En devenant le champ d’expression de valeurs de plus en plus personnelles, ce petit rectangle de papier s’afranchit de plus en plus souvent du liquide qu’il est censé servir, en renvoyant des images traditionnellement éloignées du monde du vin. Mais pas partout. Certaines étiquettes exacerbent au contraire des valeurs classiquement associées au vin : surchargées de paysages en camaïeu, de moines bedonnants et de blasons, les étiquettes de vins allemands (voir ci-dessus)
Pdégagent un charme suranné indéniable. La sobriété, le laconisme d’autres étiquettes qui n’ont pas évolué depuis des décennies, valent toutes les outrances déployées pour capter le regard de l’amateur. Ainsi, les étiquettes du château Lafte Rothschild, de château Rayas ou du domaine de la Romanée-Conti sont désormais des icônes. Ce sont les plus regardées et les plus imitées.
L’humanité du vigneron
Un point mérite d’être souligné : l’étiquette, de plus en plus, se charge d’afectivité. Elle fait pénétrer le consommateur dans la sphère privée du vigneron : hommage au père, au grand-père, cuvée en l’honneur du dernier-né… Au-delà de cet aspect dynastique, l’humanité du vigneron s’exprime au travers de paroles, d’opinions, de dessins. À l’époque de Twitter, l’étiquette devient plus que jamais le vecteur de messages personnels, de rébellions, d’enthousiasmes ou d’animosités. Plusieurs anecdotes en témoignent. Le très beau vin blanc du domaine Arretxea, à Irouléguy, s’appelle Hegoxuri. L’Inao, après dégustation du 2004, jugea que le vin contenait trop de