La Revue du Vin de France

À Jean-Marie Guffens

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Cher Jean-Marie Guffens, ton entretien dans le numéro d’octobre (lire La RVF n°585) a illuminé notre premier jour de vendange. Les vieilles vignes étaient tordues de rire.

Ta charge aveugle et maladroite contre la biodynamie aurait à coup sûr enflammé les maisons de retraite sous Vincent Auriol. Elle apparaît aujourd’hui bien dépassée et pour tout dire désespérée face à la vague irrésistib­le des vrais vignerons qui nous rejoignent chaque année. En France, nous sommes déjà près de 10 % en bio. C’est celui qui le dit qui y est !

Il y a 25 ans, nous mettions tous dans nos vignes « ce qu’ il y a écrit sur le sac » , soit entre 6 et 15 kg de bouillie bordelaise par hectare et par traitement. Mais le seul dogme de la biodynamie étant l a remise en question annuelle et systématiq­ue de toutes les pratiques agricoles et oenologiqu­es, nous n’utilisons plus maintenant qu’entre 100 et 500 grammes par traitement. Nos collègues en culture chimique, eux, continuent par routine à infliger en août à leurs vignes les mêmes doses qu’il y a 25 ans, soit plus de cuivre en un seul traitement que nous pour toute l’année ! Et ce en surplus des pesticides multiples qui laissent en moyenne dans

Aleurs vins 3 000 fois plus de résidus que la loi ne l’autorise… dans l’eau potable (lire à ce sujet Que Choisir n° 518 et consulter le site generation­s-futures.fr).

Certains d’entre nous, dans le Sud, ne traitent plus qu’avec des plantes. Nous y arriverons tous un jour, car nous expériment­ons sans cesse pendant que les autres fonctionne­nt et se font racketter par les firmes pétrophyto­pharmaceut­iques (1500 € de pesticides par hectare et par an).

La biodynamie n’est pas un état statique, c’est un chemin où chacun essaie d’avancer en conscience, sans recette, muni en guise de béquilles des expérience­s heureuses et malheureus­es des copains qui les partagent gratuiteme­nt (un mot incongru de nos jours) et avec enthousias­me de surcroît. J’ai longtemps été le champion des vins foireux, cela a servi à toute la région (via notre embouteill­eur miraculeux Christian Brault) pour connaître nos limites communes. De plus, la culture en bio augmente progressiv­ement l’acidité des vins au fil des ans (expérience­s d’AnneClaude Lef laive, entre autres), une opportunit­é à saisir pour certaines régions gavées de potasses d’Alsace, obligées d’acidifier leurs vins.

Enfin, si Steiner était illuminé, cela vaudrait mieux que des vins éteints.

Dors bien, Jean-Marie, pendant que nous enterrons nos cornes. Mais n’oublie pas de te réveiller un jour. Mark Angeli. Paysan polisson. La Ferme de la Sansonnièr­e, 49 380 Thouarcé. P. S. : On ne nous reproche désormais plus « l’ invocation des astres » . Les calendrier­s lunaires divers qui envahissen­t en particulie­r les jardinerie­s nous ont affranchis d’exhumer notre trésor de résistants : une copie conforme de notre calendrier d’aujourd’hui avec le zodiaque, les jours fruits et tout le bazar, dans un musée de Lund, en Suède. Il date de 1783, une époque où tous les travaux agricoles étaient réalisés à la force du poignet et où les paysans n’achetaient rien, sauf ce calendrier.

 ??  ?? Vigneron talentueux du Mâconnais, Jean-Marie Guffens a osé associer culture bio de la vigne et oxydation prématurée des vins. Polémique !
Vigneron talentueux du Mâconnais, Jean-Marie Guffens a osé associer culture bio de la vigne et oxydation prématurée des vins. Polémique !
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Mark Angeli

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