Et si vous installiez une vinothèque dans votre salon ?
“Descendre à la cave”, l’expression deviendra-t-elle un jour désuète ? Tels les grands hôtels et restaurants, de plus en plus de particuliers s’offrent le plaisir d’une cave vitrine pour ravir les yeux des amateurs, sans heurter les règles d’or des esthèt
Longtemps, ne pas avoir de cave sous sa maison ou dans le sous-sol de son immeuble a constitué un traumatisme pour l’amateur. Ce temps-là est révolu. Si vous ne possédez pas une cave enterrée, les fabricants vous proposent aujourd’hui d’en aménager une dans votre salon ou en cuisine. Des réalisations qui vont de l’armoire à vin au mur habillé sur mesure et qui en mettent plein les mirettes !
Toute d’inox et de verre, la vitrine trône entre la salle à manger et la cuisine, telle une cloison transparente qui offre ses grands crus aux yeux des amateurs. Ici, on ne parle plus vraiment de cave. Pourtant, toutes les conditions sont réunies pour conserver les meilleurs flacons : l’hygrométrie toujours supérieure à 60 %, la température constante et le verre de la vitrine traité pour protéger les vins des UV. Selon l’option, il est même possible de choisir un verre qui se teinte en fonction de la luminosité ambiante.
Dans un autre appartement parisien, les armoires sont invisibles. Deux grands miroirs font face à la table du salon. En fait, ils dissimulent deux armoires encastrées derrière ces glaces sans tain coulissantes. Ces ensembles spectaculaires tranchent avec les traditionnelles caves enterrées et les armoires standards. Bien sûr, le budget est incomparable et s’élève parfois à des dizaines de milliers d’euros. Mais depuis que la technologie le permet, fabricants et architectes rivalisent d’inspiration pour mettre le vin en scène avec les conditions de conservation ad hoc.
La cave s’invite au salon
Ils ont commencé il y a un peu moins de dix ans dans les grands hôtels et restaurants avant de décliner ces caves vitrines chez les particuliers. « Cette tendance est apparue vers 2006 en restauration, dès lors que la cave à vins a quitté le budget matériel de cuisine pour devenir élément de décoration. Avec ces mises en scène, le vin est valorisé pour séduire le client » , analyse Jean-Marc Guinaudeau, patron de la société Cofravin, spécialisée dans les caves sur mesure pour les restaurants depuis 1968 comme pour les particuliers fortunés. Ici, le vin n’est plus conservé dans l’obscurité d’une cave mais mis en scène. « Certains clients nous disent que l’on réalise de véritables sculptures. Cela fait plaisir » , confie Sylvie Ternois, la fondatrice de Provintech qui travaille en étroite collaboration avec des architectes et décorateurs pour fournir des armoires sur mesure.
Aujourd’hui, l’armoire à vins est la solution la plus répandue puisqu’il s’en vend près de 50 000 exemplaires par an en France. Dans le meilleur des cas, la porte vitrée permet de découvrir les bouteilles à l’intérieur. Mais on change de dimension en consultant ces petites sociétés spécialisées dans la conception de caves sur mesure.
Il faut dire qu’en dix ans, l’univers de la cave a mué. La population vit souvent dans des appartements où la cave a disparu et où les vins sont consommés dans l’année qui suit l’achat des bouteilles. Les habitudes de consommation ont ainsi
poussé les fabricants à s’adapter. Si pour ces caves vitrines le ticket d’entrée semble très élevé (à partir de 6 000 euros), on distingue en réalité trois grandes familles : les armoires modulaires à poser ou à encastrer, les grandes caves vitrines sur mesure qui s’étendent le long d’un mur ou qui font office de cloison, et les pièces aménagées où l’on peut stocker ses vins et les déguster.
Les armoires modulaires
Les armoires de la nouvelle génération se différencient de celles que l’on trouve dans le commerce par leur capacité à mettre le vin en valeur avec de grandes portes vitrées, un éclairage d’ambiance et
des clayettes de présentation en fil d’acier qui donnent l’impression que les bouteilles sont en lévitation dans l’armoire.
Par ailleurs, ce sont des systèmes modulaires. Ce n’est pas vraiment du sur mesure, mais une juxtaposition de caissons de taille standard, en fonction des capacités souhaitées. Le système de production de froid est également implanté à l’intérieur de l’armoire (en partie basse ou haute) ; raison pour laquelle ces modèles dépassent largement 2 mètres de haut.
Pionnier dans le domaine de l’armoire à vins, Eurocave a d’abord imaginé sa Showcave pour la restauration, puis pour les particuliers. Présentée en porte simple (10 780 euros) ou en porte double (15 580 euros), cette armoire peut contenir 180 flacons. Chez Cofravin, société qui travaille surtout pour la restauration, ce sont des modules qui s’assemblent. Toutefois, compte tenu de leur grande taille et de la puissance de réfrigération nécessaire, la marque propose un système de froid déporté à l’extérieur de la pièce ou de la maison. « On ajoute des caissons en fonction de la capacité. Ils sont rafraîchis par un seul compresseur, mais on peut avoir des températures différentes pour chacun d’eux » , explique Jean-Marc Guinaudeau, de Cofravin. Sachant que chaque module coûte environ 12 000 euros, installation comprise.
Dans le même esprit, avec sa jeune société Devign basée à Vénissieux, Romain Paquier (ex-Eurocave) propose aussi des armoires vitrines modulables : « Chaque vitrine peut accueillir 268 bouteilles. Nous utilisons du double vitrage pour assurer une bonne isolation » . Chaque vitrine vaut 16 800 euros, pose comprise.
Dans un souci d’intégration plus poussée, la société Provintech a imaginé la Cellithèque, des caissons juxtaposés encastrés dans le mur. Le compresseur, lui, est dissimulé sous les armoires. La Cellithèque se distingue par la qualité de finition de ses portes. Les cadres en inox sont réalisés en une seule pièce sans soudure. « Nous proposons un grand nombre de finitions en acier ou en bois, mais la tendance actuelle va à l’inox et au laiton » , précise Sylvie Ternois, la dirigeante. Ces modules sont vendus à partir de 6 000 euros et peuvent stocker environ 100 bouteilles.
Le boom des vitrines sur mesure
« Chaque pièce est unique car réalisée spécialement pour un client » , rappelle Sylvie Ternois, la fondatrice de Provintech. Depuis vingt ans, elle travaille en étroite collaboration avec des architectes et des décorateurs d’intérieur pour imaginer de nouvelles vitrines utilisant les matériaux les plus incroyables. Si bien que ses armoires prennent place dans des intérieurs souvent exceptionnels. « Elles sont pensées dès la construction de la maison ou lors de la rénovation de l’appartement pour s’intégrer parfaitement » , explique-t-elle.
« Les contraintes techniques pour ces vitrines qui doivent abriter parfois plus de 1 000 bouteilles sont très élevées car il faut tenir compte du bruit du compresseur, de la lumière sur les flacons, du froid, de l’hygrométrie. Cela fait donc appel à un grand nombre de spécialités » , rappelle Nicolas Francart, le patron de la société belge Degré 12, l’un des grands spécialistes de la cave sur mesure haut de gamme. Il imagine des caves aussi bien pour des milliardaires anglais ou russes sur leur yacht et dans leur chalet que pour de grands restaurants, comme la spectaculaire cave du K2, palace de Courchevel abritant 1 900 flacons et habillée de chêne clair.
Nicolas Francart conçoit notamment des vitrines sur toute la hauteur d’une pièce, du sol au plafond. « Techniquement, c’est complexe car toute l’ingénierie doit s’effacer » , poursuit-il. L’entrepreneur est également sensible à la qualité de l’éclairage qui
souligne la mise en scène des vins. « Un éclairage mal positionné et vous voyez rapidement apparaître la poussière qui se dépose sur les vitres. Mais grâce aux LED, on peut éclairer individuellement les étiquettes selon les désirs du client » , ajoute Nicolas Francart.
Le patron de Degré 12 a aussi mis au point une gamme intermédiaire de rangements en acier très robuste qui s’intègre derrière de larges portes vitrées. La gamme Sliding offre ainsi une grande variété de types de rangements coulissants supportant plusieurs dizaines de kilos, à partir de 33 360 euros (rangements, éclairage, système de froid, pose comprise). Mais le tarif grimpe vite quand on veut couvrir un pan de mur équipé d’un groupe de froid et de LED.
Les créations en inox de Provintech sont vendues autour de 36 000 euros. « Le prix peut varier de manière importante en fonction des souhaits des clients » , indique Sylvie Ternois. Si l’inox et le laiton sont tendance, la société a mis au point des portes entièrement vitrées, sans montant apparent. Une subtilité qui donne un effet de transparence encore plus saisissant. De son côté, lors du dernier salon Équip’Hôtel en novembre dernier, Cofravin a présenté une cave vitrine vitrée sur les quatre faces avec des présentoirs en plexiglas qui donnent l’impression que les bouteilles flottent littéralement.
Si elles permettent de conserver les vins à la bonne température et à une hygrométrie maîtrisée, toutes ces réalisations imposent une grande consommation d’énergie, même si les fabricants utilisent à présent des verres à double, voire à triple vitrage, pour limiter les déperditions. « Il y a aussi la question des ultraviolets nuisibles au vin. Bien que l’on utilise des verres anti-UV, nous préférons ajouter un filtre supplémentaire entre chaque vitrage afin de bloquer 99 % des rayons » , explique Nicolas Francart.
Tels les dressings il y a 20 ans
Moins ostentatoires que les vitrines, les pièces transformées en cave offrent le meilleur compromis pour conserver un grand nombre de flacons dans de bonnes conditions. Reconvertir un cellier, un placard ou le dessous d’un escalier est tout à fait possible. Mais attention à l’isolation et aux contraintes techniques qui peuvent s’avérer onéreuses (voir encadré ci-contre). « Nous avons aménagé le dessous d’un escalier pour un client de la région de Lyon avec un stockage sur mesure
en inox pour 300 bouteilles, un système de froid et l’éclairage pour 21 600 euros » , détaille Romain Paquier, le dirigeant de la société Devign.
« On assiste à une vraie révolution dans l’aménagement de la cave. Comme pour le dressing il y a vingt ans », rapporte Nicolas Francart. Car au-delà du stockage des vins, les amateurs rêvent d’un véritable lieu de vie dans l’enceinte de la cave, avec table de dégustation et crachoir. Les casiers d’antan sont remplacés par de beaux meubles en bois qui se rapprochent plus du mobilier de bibliothèque que celui des casiers, plus rustique.
« Les demandes de mes clients vont de plus en plus dans ce sens » , précise Éric Lenar, de la société monégasque Vira. Spécialisé dans l’aménagement de caves pour amateurs très fortunés, l’entrepreneur conçoit aussi des caves plus abordables. « Dans un appartement parisien, nous avons transformé un ancien placard en cave avec un mobilier en bois clair pouvant contenir près de 1 000 bouteilles » , explique Éric Lenar. Dans ses réalisations, il impose toujours un groupe de froid, même en sous-sol. « Nous avons créé une cave sous un manoir normand. Le lieu étant très humide, le groupe de froid permet à la fois de réguler la température et de limiter les excès d’humidité qui pourraient dégrader les étiquettes ou favoriser la propagation de moisissure » , détaille-t-il.
Or, les climatiseurs de cave capables de maintenir à température une pièce doivent être puissants. Un important travail d’installation est souvent nécessaire pour loger le moteur à l’extérieur afin de limiter les nuisances sonores et la soufflerie à l’intérieur de la cave. Ce type d’appareil coûte plusieurs milliers d’euros, sans la pose.
Enfin, ces climatiseurs fonctionnent différemment de ceux installés dans les maisons, car ils ne doivent surtout pas assécher l’air. Seuls quelques fabricants comme Fondis, Friax ou Eurocave proposent des appareils sérieux, mais onéreux car produits en petite série. Ainsi, l’installation d’un groupe de froid discret et performant dans une cave de 10 m3 peut coûter entre 7 200 et 12 000 euros, pose comprise. Raison pour laquelle l’aménagement d’une bonne cave revient vite à plusieurs dizaines de milliers d’euros. « C’est à peu près le prix d’une piscine » , indique Nicolas Francart avant de préciser que la création de ces caves est souvent intégrée dans le budget de la rénovation de l’appartement ou de la construction de la maison.