LA GOURMANDISE DES ROUGES DU RHÔNE SUD
Vins de gastronomie très appréciés pour leur gourmandise, les meilleurs rouges du Rhône méridional sont aujourd’hui reconnus pour leur finesse. Abandonnant la traditionnelle quête de puissance, de nombreux vignerons prônent l’élégance et livrent des cuvée
Les magnifiques vins du sud de la vallée du Rhône, gorgés d’un fruit charnel, s’invitent aisément à nos repas quotidiens tout en sachant briller sur des mets plus festifs. En plus d’être proposés à des prix très attractifs, les vins du Rhône méridional ont gagné en qualité depuis les années 90. Ce vaste vignoble s’étend depuis le sud de Montélimar jusqu’aux portes de Nîmes. Ici, les vins rouges naissent essentiellement du grenache. Jamais pur, il est assemblé avec des cépages répandus comme le mourvèdre (ferme et droit), la syrah (au fruit frais et généreux), le cinsault (cépage d’une grande finesse longtemps délaissé), et enfin le carignan (rustique mais solide).
Les vins du Rhône sont officiellement hiérarchisés en trois catégories. En ordre croissant, il y a le côtes-du-rhône, le côtes-du-rhône-villages (lire La RVF n° 578) et les crus. Pour ce dossier, nous nous sommes concentrés sur cette dernière catégorie réunissant Gigondas, Vacqueyras, Lirac, hors Châteauneuf-du-Pape. Nous y avons associé des villages d’exception, comme Cairanne, n’ayant pas encore le titre de cru mais qui vous surprendront par leur belle personnalité, ainsi qu’un vaste vignoble au caractère singulier, le Luberon. Un massif taillé pour les grands vins Non loin de Carpentras se trouve l’un des plus beaux paysages viticoles de France : les Dentelles de Montmirail. Au pied de ce massif, le vignoble de Vacqueyras occupe
une place de premier plan. Nous avons débuté notre dégustation par ce cru.
Sur ce terroir, les producteurs ont misé pendant longtemps sur des vins puissants, laissant parfois de côté la finesse. Seul le magnifique château des Tours d’Emmanuel Reynaud (élu Vigneron de l’année 2015 par La RVF), implanté dans le secteur de Sarrians, livre une copie aussi parfaite que régulière. Mais aujourd’hui, on constate avec bonheur que ce vignoble produit des vins plus gracieux, sans perdre leur solidité originelle.
Notre dégustation se poursuit en traversant l’Ouvèze. Elle nous amène à Cairanne, un terroir hétérogène qui ne bénéficie pas encore du titre de cru. Et pourtant, la finesse de ses vins est notoire. Nous revenons ensuite vers les Dentelles où Gigondas est probablement, après Châteauneuf-duPape, le cru le plus prestigieux et le plus complexe du Rhône sud. Les différents terroirs identifiés y sont remarquables. Aux puissants vins issus du bas du village s’opposent avec éclat les crus plus fins et délicats perchés dans les hauteurs des Dentelles, et ce même lorsque les vignerons possèdent des parcelles du haut et du bas.
Puis, en longeant les Dentelles vers le nord, à Sablet et Séguret, on voit émerger de grands vignerons dans les domaines Jean David, Mourchon, ou encore au domaine Fontaine des Fées pour la jeune génération, avec des vins possédant la carrure de bien des crus, même s’ils n’en ont pas le titre.
2012, millésime frais Contigu à Rasteau, Roaix est un magnifique terroir méconnu, où les vins possèdent une vraie personnalité. Avec peu de caves particulières, ce vignoble a du mal à se faire un nom, la majeure partie des raisins étant vendue à la cave coopérative.
Mais là encore, les choses évoluent. Formée auprès du célèbre Marcel Richaud (Cairanne) et implantée à Rasteau, Élodie Balme contribue à la notoriété des vins de Roaix où elle possède de belles vignes. Cette talentueuse vigneronne pense d’ailleurs que le vin de Roaix est plus tendu et moins lourd que le rasteau pour le repas. Eh oui, même dans le sud, la jeune génération a soif de vins plus aériens !
Comme pour lui faire écho, Vincent Delubac, vigneron à Cairanne, qui se régalait autrefois de vins solides et puissants, s’oriente aujourd’hui vers la finesse et l’intensité. Il se passionne même pour les bourgognes ! Au Moulin de la Gardette, à 50 ans, Jean-Baptiste Meunier a également amorcé un virage à 180 degrés suite au millésime 2009 dont la richesse lui était apparue excessive. Ses gracieux 2012 nous ont littéralement séduits alors qu’il a longtemps misé sur des vins puissants et riches.
Notre dégustation nous conduit ensuite vers Rasteau, récemment promu au rang de cru. Ce sont des vins très solaires les années chaudes, dont la solidité semble mise en avant avec la fraîcheur du millésime 2012.
En remontant vers le nord, on s’achemine à Vinsobres, où les vins sont frais,
LES CONDITIONS
DE LA DÉGUSTATION
Les vins, tous issus du millésime 2012, ont été dégustés à Avignon par Roberto Petronio en décembre 2014 pendant quatre jours, dans l’ordre présenté dans les pages suivantes. avec un fruit croquant. Les années fraîches comme 2012, ils affirment un caractère encore plus septentrional, la syrah y étant très présente.
En passant sur la rive droite du Rhône, non loin d’Avignon, se trouve Lirac. Une appellation qui souffre à tort d’un déficit d’image : c’est un cru élégant, avec des prix compétitifs, qui progresse d’année en année.
Nous avons choisi de terminer notre tour d’horizon par le Luberon, un vignoble qui attire aujourd’hui de riches investisseurs, mais aussi de talentueux vignerons comme Guillaume Gros, un ancien sommelier, Sylvain Morey, originaire de Chassagne-Montrachet, ou encore l’historique château La Canorgue. Leurs vins expriment davantage la petite rigidité de certains crus provençaux que la sensualité rhodanienne, mais ils sont à suivre.
Quant au millésime 2012, il donne des vins frais et digestes. C’est une année rafraîchissante qui se bonifiera en cave pendant une bonne dizaine d’années sans soucis. Bonne dégustation !