La Revue du Vin de France

L’accord minute, par Olivier Poussier

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En mars, sur les étalages des marchés, apparaisse­nt ces langoustin­es qui frétillent encore, comme si elles venaient de sortir de l’eau. Ce crustacé est l’un des plus fns et des plus diététique­s – si on n’abuse pas du pain, du beurre salé ou de la mayonnaise. C’est un aliment riche en protéines et minéraux, mais faible en lipides.

En général, le gastronome français se délecte d’un buisson de langoustin­es tout juste ébouillant­ées, mais il y a d’autres façons de les apprécier. Le carpaccio de langoustin­e est un mets délicieux et rafné où la sensation iodée est sublimée avec une pointe de citron et d’huile d’olive, parsemée de jeunes pousses de coriandre et de cerfeuil.

Sur ce plat, la présence d’un vin blanc sec est obligatoir­e. Il doit être épuré et tonique. Avant même de parler de saveurs, rappelons que l’une des clés de ces associatio­ns est le contraste acide qui s’oppose à la texture de la langoustin­e. Ensuite, il faut un vin d’identité minérale et aromatique pour aller chercher les saveurs des jeunes pousses.

Pour commencer, je vous propose un chablis Jules Billaud de Samuel Billaud, pur et iodé, alliant la fnesse et la belle envergure du millésime 2010. Un vin qui mérite votre attention. Il possède la race et la patine d’un premier cru alors que ce n’est qu’un village. L’associatio­n avec la langoustin­e tranche ici sans dureté et le vin s’en trouve bonifé. Sinon, je vous recommande un riesling allemand du Palatinat avec une belle expression de riesling sur calcaire : le salin Grosse Gewach Sonnenberg 2011. Habituelle­ment reconnu pour ses superbes pinots noirs, Friedrich Becker élève ici un vin cristallin et droit, issu de Schweigen, un village frontalier près de Wissembour­g en Alsace.

Accord sous haute tension Frédéric Anton, au Pré Catelan, à Paris, réalise un plat de langoustin­e délicieux où cette dernière est cuite en raviole dans un bouillon mentholé et agrémenté d’un poivre aromatique. Avec ce plat, je choisirais un sauvignon sur terroir de silex avec la fameuse cuvée Pur Sang 2011 de Louis-Benjamin Dagueneau, issu du village de Saint-Laurent (Pouilly Fumé). Le silex donne au sauvignon cette pointe d’ortie et de menthol. La fermeté et la tension sont présentes en bouche, tout en respectant le iodé et la chair de la langoustin­e. Faute de Pur Sang, faites l’expérience avec un Carroir de Paul Henry Pellé à Menetou, Les Romains 2010 du domaine Vacheron ou Les Romains 2010 d’Alphonse Mellot, à Sancerre. L’alternativ­e étrangère se positionne, elle, sur un cépage exceptionn­el de l’Europe centrale : le grüner veltliner, le premier cépage planté en Autriche (29,4 %). En Wachau, il s’étend sur les coteaux pentus face au Danube. Épicé, poivré et minéral (sols de gneiss), le Grüner Veltliner Federspiel­s 2013 d’Emmerich Knoll est idéal pour cet accord. Car ce vin ne passe pas en force avec un degré élevé et de la puissance, il trouve à l’inverse le bon compromis entre tension et demi-puissance.

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OLIVIER POUSSIER EST MEILLEUR SOMMELIER DU MONDE 2000.
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CHABLIS JULES BILLAUD DE SAMUEL BILLAUD. Avec sa belle envergure, la cuvée 2010 sublime la pureté naturelle de ce chablis.

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