La seconde vie de la mosaïque romaine
usqu’aux premiers jours de mai, l’exposition Aix Antique au musée Granet, à Aix-en-Provence, invite le public à découvrir d’authentiques mosaïques romaines, de magnifiques panneaux retrouvés dans les ruines de l’oppidum d’Entremont, près du centre-ville. Ces oeuvres témoignent d’un savoir-faire exceptionnel attestant de la présence hégémonique et civilisatrice de Rome et du vin dans la cité d’Aquae Sextiae dès le IIe siècle avant notre ère.
La mosaïque est un art décoratif fort ancien. Initié par les Mésopotamiens puis par les Grecs, il devint l’un des marqueurs de la culture romaine. La particularité de leur mosaïque s’illustra dans le style ‘‘noir et blanc’’ et géométrique, mais aussi dans la complexité et la variété des figures représentées. Parmi les multiples thèmes, des portraits de Bacchus, des décors de feuilles de vignes, des grappes de raisins, d’amphores et de canthares, ainsi que des scènes de vendanges et des repas de fête, de quoi inspirer les lecteurs de La RVF.
Au cours du XIXe siècle, en France comme en Europe, au Maghreb et au Moyen-Orient, de nombreuses fouilles archéologiques révélèrent de somptueux sols de pavement en mosaïques. Symbole de sa romanité et de son niveau social, tout propriétaire d’une domus, habitat résidentiel romain, se devait de faire richement décorer les salles dédiées à l’accueil et la salle à manger (le triclinium).
JLa réalisation de l’oeuvre était confiée à un mosaïste qui l’exécutait sur place avec son équipe. Elle était exclusive. Tel un tableau de pierres, l’ouvrage composé de milliers de petits cubes en calcaire et de tesselles en marbre, était parfois agrémenté d’éléments en pâte de verre afin de rehausser les couleurs du sujet.
De nos jours, la valeur marchande de tels panonceaux de mosaïques, du fait de leur rareté, de leur composition, mais surtout de l’état de leur dépose lors de l’extraction du chantier, atteint des sommets aux ventes aux enchères mondialisées. En décembre 2010, la maison Pierre Bergé & Associés à Paris adjugeait un ensemble de trois mosaïques gallo-romaines datant de 175-225 de notre ère, de format 92x92 cm, à 95000 euros. Réservées aux collectionneurs, ces ventes attirent aussi des experts mandatés par les plus grands musées du monde.
Et aujourd’hui, il faut plus que jamais rester vigilant. Les conflits militaires qui sévissent à proximité des sites antiques de Maaret alNoomane, ville du nord de la Syrie, mais aussi en Palestine, ne risquent pas de faire chuter les cours au marché parallèle des trafiquants d’oeuvres d’art. L’intérêt financier pour ces mosaïques fait aussi craindre pour la préservation des sols de la villa romaine de Silin, en Libye. Pillages ou destructions, par dépose ou par volonté religieuse, risquent à jamais de faire disparaître des oeuvres d’art parmi les plus belles de l’humanité. Leur valeur est inestimable.
Jean-Baptiste Thial de Bordenave