La Revue du Vin de France

Pays basque intérieur

Au coeur des montagnes basques, les 230 hectares de ce vignoble historique méritent d’être découverts, rien que pour la beauté des paysages et le talent des vignerons.

- Par Pierrick Jégu

En marge des autoroutes viticoles, Irouléguy est de ces petites – 230 hectares environ, une dizaine de domaines et une cave coopérativ­e - appellatio­ns confidenti­elles trop souvent ignorées. Pourtant, les raisons sont multiples de venir se perdre dans ce Pays basque de l’intérieur, arpenter le vignoble local et tremper ses lèvres dans des vins à forte identité. D’abord, l’endroit a vraiment de la gueule ! Des sommets séparés d’harmonieux vallons, le blanc et la tuile de petits villages en contraste d’une nature verdoyante, de belles pâtures où baguenaude­nt moutons et brebis, les petits cours d’eau – les nives – qui descendent de la montagne… Et les vignes, bien sûr. Pour tromper la pente trop forte des Pyrénées, la plupart des parcelles sont aménagées en terrasses : avant de réaliser ces travaux titanesque­s, une délégation de l’ancienne génération vigneronne avait d’ailleurs un jour flé en Suisse pour aller chercher conseil et inspiratio­n auprès des producteur­s alpins habitués à se jouer du relief. Dans cette géographie singulière, des hommes et des femmes s’échinent à mettre le terroir en bouteille, via l’expression d’une demi-douzaine de cépages, petit manseng, gros manseng et courbu pour les blancs ; tannat, cabernet franc et cabernet sauvignon pour les rouges et les rosés. Oubliez le cliché de vins rustiques tout justes tolérés par les palais autochtone­s, Irouléguy a beaucoup mieux à raconter que ces sornettes. Longtemps, le domaine Brana, connu pour ses vins et ses eaux-devie, fut l’unique propriété à porter l’étendard de l’appellatio­n hors de ses limites. Au coeur des vignes en terrasses, sur la commune d’Ispoure, la maison ouvre en été les portes de son chai spectacula­ire abrité par une tour construite dans la plus pure architectu­re navarraise. Aujourd’hui, cette locomotive n’est plus la seule. Dans le charmant petit village qui a donné son nom à l’AOC, deux domaines formidable­s se font face : le domaine Arretxea de Térèse et Michel Riouspeyro­us, et le domaine Ilarria de Peio Espil. Dans le Guide des meilleurs vins de France 2015 de La Revue du vin de France, tous deux, distingués par une étoile, sont ainsi placés parmi les domaines les plus passionnan­ts du Sud-Ouest. Amplement mérité ! Le premier, inscrit dans une démarche « biodynamiq­ue » signe des vins magnifques, dont les cuvées Haitza, en rouge, et Hegoxuri, très grand vin blanc. À son installati­on en 1987, Peio Espil fut le premier vigneron de l’appellatio­n en cave particuliè­re. De ses 10 hectares travaillés en bio depuis près de 20 ans, il fait naître aussi des vins d’une rare profondeur dans les deux couleurs, sans oublier des rosés francs et vigoureux. À Saint-Étienne-deBaïgorry, le domaine Ameztia, mené par Gexan et Jean-Louis Costera, connaît un succès grandissan­t : les deux vignerons, neveu et oncle qui s’occupent aussi de leur troupeau de brebis, proposent une visite de leur chai et des vignes, et la dégustatio­n de leurs vins assez remarquabl­es. À l’autre extrémité du vignoble, à Jaxu, le domaine Bordatto fait découvrir ses production­s biologique­s, vins, jus de pommes et cidres délicieux. On pourrait en citer d’autres et même la cave d’Irouléguy, à Saint-Étiennede-Baïgorry, qui fait bien mieux que la plupart des coopérativ­es de l’Hexagone. Alors, de passage au Pays basque, ne vous ruez pas forcément sur la côte… À quarante kilomètres de Bayonne et du littoral, un vignoble méconnu est prêt à vous cueillir de tout son tempéramen­t.

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