La réhabilitation de l’ugni blanc est en marche, la clairette confirme
Voici quatorze grands blancs salins et veloutés qui se bonifieront avec le temps.
Comme la Corse, la Provence a fait du rolle, son cépage blanc principal, surtout en Côtes de Provence. Le parti a été pris de l’utiliser seul dans la plupart des cas pour livrer des vins expressifs, ronds et faciles d’accès, mais souvent simples. Dans quelques terroirs argilo-calcaires comme au domaine Gavoty ou sur les poudingues de Bellet, le rolle affiche profondeur, retenue et un bon potentiel de garde. L’ugni blanc, qui peinait à mûrir il y a vingt ans, mérite d’être vinifié seul. Ceux du château Revelette et du Clos de la Procure sont à déguster en priorité. Incontournables, les beaux assemblages à dominante de clairette, à l’image de quelques bandols et du château Simone, se “minéralisent” au vieillissement en offrant une définition saline et veloutée d’un blanc du Sud. Longtemps oublié car délicat à travailler, le carignan blanc est un cépage d’avenir pour la Provence. Il conserve un degré d’alcool modéré et développe une impressionnante acidité naturelle. Idéal dans les assemblages ! En témoignent les vins des domaines de La Réaltière et Les Terres Promises. A. G. DOMAINE HAUVETTE, à Saint-Rémy-de-Provence La cuvée Dolia de Dominique Hauvette fera vibrer les amateurs de blancs raffinés. Après avoir expérimenté différents assemblages et modes de vinification, cette vigneronne haute en couleur compose ce vin avec une batterie d’oeufs béton où fermentent et maturent un an sur lies les roussannes, marsannes et clairettes plantées sur le versant nord des Alpilles. 17/20 IGP Alpilles Dolia 2013 Cette cuvée se hisse au sommet des blancs du Sud. Son équilibre frais joue sur une texture fuselée, tirée en longueur par de fins amers. Grande précision et pureté des saveurs. 40 € // 8 000 bouteilles CHÂTEAU SIMONE, à Meyreuil Du haut des coteaux du château Simone, se dessine une toile de Cézanne où l’on admire les vignes centenaires accrochées sur les calcaires de Langesse s’ouvrir au nord vers la montagne Sainte-Victoire. Jean-François Rougier bénéficie d’un superbe patrimoine de vieilles vignes de clairette (80 %), grenache blanc, ugni, bourboulenc et une touche de muscat pour perpétuer le style singulier de “la Simone”, dont le secret réside dans le pressurage lent et un élevage de vingt mois en foudres puis en barriques. 16,5/20 Palette 2014 Nous sommes confiants quant au potentiel de garde de ce blanc, à ce stade timide et légèrement austère, mais doté d’une grande richesse et d’une structure acide. Ce grand vin de garde rivalisera-t-il avec les superbes 1968 et 1971 ? 29,90 € // 50 000 bouteilles CHÂTEAU SAINTE ANNE, à Sainte-Anne-d’Évenos Dans une appellation où les blancs se montrent plutôt légers et acidulés, le bandol du château Sainte Anne se distingue toujours par son intensité, son acidité et son potentiel de garde. À Sainte-Anne-d’Évenos, où se trouvent les terroirs les plus frais de Bandol, la famille Dutheil de la Rochère défend depuis les années 70 une viticulture bio et une vinification peu interventionniste pour glorifier son blanc de clairette et ugni blanc qui se révèle magnifiquement au bout de vingt ans. 16/20 Bandol 2016 Pierre accorde une pleine confiance à cette matière pleine et fine, aux saveurs de poivre blanc et de sauge. Pour Alexis, il évoluera dans un profil moins puissant que le sublime 1998 (16,5/20) d’une grande concentration, qui évoque des notes de crème brûlée, riche, caillouteuse et portée par une fraîcheur saline. 22 € // 5 000 bouteilles
CLOS SAINT-VINCENT, à Saint-Roman-de-Bellet Les 60 ha de vignes de Bellet s’accrochent aux coteaux des hauteurs de Nice, résistant à la pression immobilière de la French Riviera. Ici, le rolle possède une puissance solaire et une salinité naturelle qui l’arment pour la garde. Gio Sergi, ancien carrossier devenu vigneron dans les années 90, s’est inspiré des blancs bourguignons pour élever ses rolles. Ses cuvées incarnent aujourd’hui la définition la plus précise de l’appellation. 16/20 Bellet Vino di Gio 2015 Encore sur la retenue, le Vino di Gio 2015 offre à Pierre « une sensation sucré-salé qui titille le palais »
, alors que sa matière concentrée et ses saveurs mûres de fruits jaunes suggèrent une quinzaine d’années de garde à Alexis. 60 € // 3 000 bouteilles DOMAINE DU CLOS DE LA PROCURE, à La Garde Laurent Barrera est l’un des rares audacieux à magnifier l’ugni blanc, des vignes quinquagénaires plantées sur les argilo-calcaires de Carnoules, dans le Var. Avec une viticulture bio, une macération d’un jour et une fermentation en vieux fûts, ce vin renoue avec un goût séveux et tonique oublié en Provence mais qui sublimera les beaux poissons de Méditerranée. Ce n’est pas Gérald Passédat qui nous contredira : le chef marseillais accapare la moitié de la production de ce blanc pour son restaurant Le Petit
Nice et la brasserie du Mucem. 15,5/20 Côtes de Provence 2015 Évoluant finement vers des notes de garrigue et d’hydrocarbure, ce jus mûr est marqué par une puissance solaire, mais ciselé par l’acidité naturelle de l’ugni. Un impressionnant 2007 dégusté en mars laisse entrevoir un beau potentiel de garde. 17 € // 2 400 bouteilles CHÂTEAU REVELETTE, à Jouques Formé en Californie, Peter Fischer est arrivé à la fin des années 80 en Provence avec l’ambition de produire son Grand Blanc. Sa recette à l’époque ? Un pur chardonnay, vinifié et élevé en barriques neuves. Crémeux ! Depuis, l’Allemand a rectifié le tir. Dans le secteur frais et tardif de Jouques, en Coteaux d’Aix-en-Provence, il complète selon les millésimes avec de la roussanne, de l’ugni blanc, du sauvignon et du rolle répartis en oeufs, foudres et barriques usagées. Des plantations de carignan blanc et de clairette sont prévues en 2019. 15,5/20 IGP Méditerranée Le Grand Blanc 2015 Ce 2015 accompli séduit Pierre par sa richesse solaire « domptée par une fine macération, qui lui donne un axe expressif et une réelle personnalité » . « Son grain de texture en fait l’un des blancs les plus raffinés de Provence » , renchérit Alexis. 27 € // 7 500 bouteilles VILLA BAULIEU, à Rognes C’est la plus grande révélation de ces dix dernières années en Provence. Son propriétaire Pierre Guénant s’est appuyé sur les conseils du consultant Stéphane Derenoncourt pour isoler 11,53 des 160 hectares plantés au Puy-Sainte-Réparade. Un parti original est pris pour le blanc : planter un coteau orienté au nord de sauvignon pour accompagner le rolle, le vinifier et l’élever soigneusement en foudres. Les derniers millésimes sont exemplaires. Un tempérament volcanique à découvrir dans le temps. 15,5/20 Coteaux d’Aix-en-Provence 2014 « C’est l’un des seuls blancs du Sud – avec le picpoul bien sûr – que l’on a envie de boire avec des huîtres ! » ,
lance Pierre. Alexis développe : « Ce vin est septentrional dans la tension