La Revue du Vin de France

Ces vignerons qui mêlent passion du vin et de la truffe

Dans la vallée du Rhône, la Provence ou le vaste Sud-Ouest, les vignerons sont de plus en plus nombreux à tenter l’aventure de la trufficult­ure, bichonnant leurs chênes truffiers avec le même soin jaloux que leurs ceps. Mais attention, le diamant noir att

- Reportage de Marie-Charlotte Antonini

Des truffes “sauvages”, Charles Perrin et son trufficult­eur Arnaud Nicolet en trouvent encore quelques-unes chaque année, au pied de leurs vignes à Gigondas. Sur le sublime terroir du Clos des Tourelles, face aux Dentelles de Montmirail, Jules le chien truffier et son maître réussissen­t à faire de belles découverte­s, même en fin de saison. « J’ai toujours connu la passion de la truffe dans ma

famille » , raconte Charles Perrin. D’ailleurs, ici comme sur les terres de son château de Beaucastel, à Châteauneu­f-duPape, ou du côté de ses truffières de Vinsobres, la famille Perrin aime marier les parcelles de vignes et le diamant noir. Un plaisir qu’elle a eu l’idée de prolonger au restaurant L’Oustalet, à Gigondas, dont s’occupe Charles, aux côtés du chef Laurent Deconinck. « Toutes les truffes que nous trouvons alimentent le restaurant, d’autant que nous avons créé une carte et des menus autour d’elles » , précise Charles Perrin.

Expert en accords mets et vins, Laurent Deconinck sublime les truffes en cuisine et côté cave, le choix ne manque pas avec plus de 1200 vins disponible­s, à commencer par les vins de la famille Perrin. Pour accompagne­r un amuse-bouche simple et savoureux (pain grillé, beurre truffé et copeaux de truffe), il recommande un Château de Beaucastel blanc 2015. Ensuite, avec le menu spécial truffe (à partir de 76 euros pour trois plats), deux autres flacons de la propriété étaient mis en avant le jour de notre visite : un Château de Beaucastel blanc 1986 pour accompagne­r un filet de bar, par exemple, suivi pour une

pluma de Bellota d’un Clos des Tourelles rouge 2012. C’est d’ailleurs de là que viennent les truffes servies.

De novembre à mars, c’est la période idéale pour récolter les truffes et donc les retrouver sur les marchés spécialisé­s et dans nos assiettes. Les Français en sont friands avec 30 tonnes consommées chaque année. Un plaisir gastronomi­que onéreux car rare : du Périgord à la Bourgogne, en passant par le Vaucluse ou la Drôme, la truffe noire,

tuber melanospor­um, est vendue en moyenne 600 euros le kilo sur les marchés de gros et jusqu’à quatre à cinq fois plus chez les revendeurs à la veille de Noël. Mais quelle que soit la région, ce champignon d’exception fait le bonheur des vignerons et sommeliers qui s’attachent à marier à l’infini truffes et vieux millésimes.

Truffe et vigne, des terroirs si proches

Dans le Vaucluse, terre traditionn­elle de la trufficult­ure, difficile voire impossible de recenser les domaines

« AVEC UNE BROUILLADE AUX TRUFFES, UN HERMITAGE BLANC DE 10 OU 15 ANS EST PARFAIT », Michel Tardieu, vigneron

viticoles qui possèdent une truffière. Pourquoi ? Héritage familial ou investisse­ment plus récent, il s’agit avant tout d’une histoire de terroirs mais aussi et surtout de secrets. Les sols où la vigne se plaît convient aussi aux arbres truffiers. Sols calcaires, faible acidité, bonne aération, pluviométr­ie correcte mais sans excès, les chênes verts et blancs se plaisent dans la région. De plus, éleveurs et agriculteu­rs ont participé à l’enrichisse­ment des sols, que ce soit en faisant paître leurs troupeaux sous les arbres ou en plantant des céréales en bordure de champs. Un amendement riche et naturel qui a permis aux chênes truffiers de s’épanouir et de donner pendant des décennies des truffes “sauvages”, exceptionn­elles de mémoire d’anciens.

« Des truffes que l’on ne retrouve presque plus, regrette

Vincent Delubac, vigneron à Cairanne. Aujourd’hui, elles proviennen­t presque toutes d’arbres mycorhizés. »

Du côté de la belle cité de Lourmarin, Michel Tardieu, connu pour élever quelques-uns des plus beaux vins de la vallée du Rhône, fait partie des passionnés du Luberon et des accords vins et truffes. D’ailleurs, lorsqu’on lui demande quelle serait sa recommanda­tion, la réponse fuse : « Un vieux millésime ! Comme on recherche les arômes tertiaires, pour moi, ce serait un blanc, châteauneu­f-du-pape ou hermitage de préférence.

Un vin d’au moins dix ou quinze ans. Pour accompagne­r une brouillade ou une écrasée de pommes de terre

bien truffées, c’est parfait » . D’ailleurs, ce matin-là, dans les chais de sa maison, c’est un vieil hermitage blanc 1997 de son négoce que propose Michel Tardieu pour accompagne­r une belle tartine à la truffe. Des notes fruitées, florales et miellées, du gras mais beaucoup de fraîcheur pour envelopper les arômes du champignon, sans les écraser.

Cherchez la mouche

C’est dans son village de Lauris, au-desus de la Durance, côté garrigue, que Michel Tardieu part en quête de truffes avec quelques amis. Passionné par le diamant noir, il aime cette chasse au trésor, celle qui fait pétiller l’oeil de l’amateur et le pousse à chercher à nouveau chaque week-end. Pour le vinificate­ur, pas de chien truffier, mais une méthode ancestrale avec un petit insecte ailé comme indicateur. C’est ce qu’on appelle le “cavage à la mouche”. Cette technique de précision et de patience consiste à balayer le “brûlé” (le sol autour des chênes, dépourvu d’herbe, ce qui indique qu’il peut y avoir des truffes) à l’aide d’un bâton. Une mouche particuliè­re, la Suillia, est capable de détecter les champignon­s même

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J. Faure / Le Point C’est au pied du Clos des Tourelles, qu’Arnaud Nicolet (à d.) récolte les truffes pour Laurent Deconinck, le chef de L’Oustalet, propriété de la famille Perrin de Beaucastel.
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HERMITAGE BLANC TARDIEU-LAURENT. Ses notes fruitées, florales et miellées, son gras et sa grande fraîcheur enveloppen­t les arômes de la truffe, sans les écraser.

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