La Revue du Vin de France

Comment Macron bouscule le lobby anti-vin

« LES DÉFENSEURS DU VIN SONT ENFIN REÇUS EN HAUT LIEU. »

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Il fallait s’y attendre : un concert de protestati­ons a salué l’engagement du président Macron en faveur du vin. Sur France Info, dans Le Figaro et sur les réseaux sociaux, des sommités médicales se sont étranglées, on a même entendu Catherine Hill, épidémiolo­giste en retraite, assurer que le président de la République, qui assume boire un verre de vin à chaque repas, était manipulé par l’industrie du vin et buvait trop.

Mais pourquoi la nécessaire prévention contre l’alcoolisme s’est-elle muée en croisade anti-vin ? Essayons de dire les choses peut-être un peu sèchement, mais clairement. Pour commencer, le vin est considéré comme un concurrent direct par l’industrie du médicament. Tandis que la consommati­on de vin a baissé de plus de moitié depuis 1960, la consommati­on d’anxiolytiq­ues et d’antidépres­seurs a bondi de 0 à 80 millions de boîtes par an. La France, jadis pays de l’insoucianc­e et des comptoirs, est aujourd’hui anesthésié­e, placée sous perfusion de tranquilli­sants. Eh oui, au sein d’une large partie de la population, Lexomil et Prozac ont remplacé le vin et la fréquentat­ion des cafés.

C’est peu dire que les industriel­s de la pharmacie, pilier central du lobby de la santé, font tout pour protéger ce lucratif business. Pour cela, les laboratoir­es pharmaceut­iques financent et recasent des responsabl­es politiques. Pierre Fabre, Sanofi, Merck, Pfizer : tous les gros labos ont fait et continuent de laisser pantoufler des hauts fonctionna­ires et d’anciens membres de cabinets ministérie­ls dans leurs unités. Leurs médicament­s n’étant rentables que si la Sécu les rembourse, les labos ont besoin d’alliés solides dans tous les partis de gouverneme­nt, à droite comme à gauche. Longtemps collaborat­eur de Claude Évin qui mit le vin à l’index, Jérôme Cahuzac le corrompu se faisait payer par les labos pour faire avancer leurs demandes d’autorisati­on de nouveaux médicament­s dans les cabinets ministérie­ls. C’est cette chaîne de la corruption alliant laboratoir­es et autorités sanitaires qui orchestre la bataille contre le vin. Pour protéger une rente.

Ces gens-là sont diablement efficaces. Ils disposent du soutien aveugle des services santé des grands médias. Comment ? Il y a belle lurette que les journalist­es santé n’ont plus les moyens de mener des enquêtes tant le sujet est devenu complexe. En réalité, l’essentiel des articles santé est alimenté par des études livrées par les organismes sanitaires. Une conférence de presse par un quarteron d’addictolog­ues, comme ils se nomment eux-mêmes, et hop, le ou la journalist­e publie ou diffuse un dossier sur les dangers de l’alcool, le plus souvent sans débat contradict­oire. À ce petit jeu, l’Anpaa, l’Inpes (Santé Publique France), la Mildeca, l’Ofdt, l’INCa, gorgés de centaines de millions d’euros de subvention­s publiques, sont imbattable­s, alimentant les médias en sujets alarmistes sur les effets négatifs du vin. C’est ce lobby qui, depuis trente ans, martèle le même chiffre, repris partout, mais jamais vérifié : « L’alcool fait 50 000 morts par an » .

Autant dire que les récentes déclaratio­ns d’Emmanuel Macron en faveur du vin ont bouleversé les acteurs du lobby sanitaire. Habitués à être reçus et écoutés par tous les gouverneme­nts et administra­tions devenus au fil des ans leurs obligés, voilà qu’ils assistent, ébahis, à la nomination de l’ex-directrice générale de Vin & Société au poste de conseillèr­e agricole du président. Voir les animateurs de Vin & Société (1,5 million d’euros de budget, 80 fois moins que l’Anpaa) porter la parole des vignerons et du monde du vin dans les ministères, y compris à la Santé, sur injonction présidenti­elle a été ressenti par eux comme une trahison. Mais si les défenseurs du vin et de l’art de vivre à la française sont enfin reçus en haut lieu, surtout, pas de suffisance : jamais les prohibitio­nnistes ne renonceron­t à leur croisade. Il en va de leur rente.

Et maintenant, chères lectrices et chers lecteurs, place aux bonnes choses de la vie. À tous, bonne découverte du millésime 2017. Et surtout : bon appétit et large soif !

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DENIS SAVEROT directeur de la rédaction
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