L’avenir est-il aux vins parcellaires ou d’assemblage ?
Les vignobles des châteaux bordelais sont souvent constitués d’un seul tenant ou presque, et l’on y prépare des cuvées parcellaires avant de réaliser des assemblages savants qui aboutissent à un premier vin, suivi d’un deuxième et, parfois, d’un troisième. C’est l’une des pratiques qui fait de la viticulture une oeuvre d’art, tant il y a de paramètres à prendre en compte et d’expressions possibles de l’amour du bon vin. Selon les millésimes, ce ne sont pas toujours les vins des mêmes parcelles qui sont convoqués dans chaque catégorie, mais néanmoins, c’est souvent le cas.
Certains châteaux se rapprochent de la viticulture parcellaire à la bourguignonne. Par exemple Haut-Rian, dans les Premières Côtes de Bordeaux, qui élabore une cuvée Saint-Seurin provenant du coteau du même nom situé autour du chai, bien exposé au sud et planté de vieilles vignes. La famille Amoreau, au château Le Puy, dans les Francs, se bat avec l’Inao depuis longtemps afin d’obtenir une appellation spécifique pour la meilleure partie de son domaine.
Folie des grandeurs pensent certains. Qu’ils fassent un peu d’histoire et se remémorent que le législateur a imaginé en 1935 de distinguer par une AOC particulière les domaines phares de certains vignobles – Château-Grillet dans l’aire de Condrieu, Coulée-deSerrant dans celle de Savennières –, sans oublier les minuscules climats bourguignons au pinacle depuis des siècles et qui furent reconnus Grands crus : Romanée-Conti, La Romanée, La Tâche, La Grande Rue, Clos de Tart, tous monopoles d’un seul propriétaire.
Ces philosophies ont leurs vertus et sont toutes deux exigeantes. Il n’y a aucune raison de préférer l’une à l’autre. De bons exemples existent de coexistence des deux dans les mêmes terroirs. Par exemple, sur la colline de l’Hermitage, Michel Chapoutier se passionne pour les cuvées parcellaires, tandis que Jean-Louis Chave, fidèle à la tradition familiale, assemble les vins provenant des différentes parcelles du domaine. La plupart des maisons de Champagne assemblent, mais il est des exceptions merveilleuses : les Clos du Mesnil et d’Ambonnay de Krug ou bien La Côte aux Enfants de Bollinger. Elles semblent contagieuses et d’autres maisons s’orientent dans cette direction.
Dans les vignobles attachés aux cuvées parcellaires cependant, on rêve parfois d’assemblages, comme dans la Bourgogne aux 1 247 climats. Même dans les Grands crus, il est difficile de faire confiance à l’étiquette et il faut se fier à la réputation des domaines, argument que ceux-ci savent très bien exploiter. Cela justifie-t-il pour autant une hiérarchie des prix difficile à comprendre pour les amateurs ? Prenons l’exemple du Grand cru mythique qu’est le Chambertin, interprété par beaucoup de grands vignerons. Est-il légitime que, dans le millésime 2014, il soit possible d’en acquérir une bouteille pour 145 € au domaine Rossignol-Trapet, mais qu’il faille débourser 258 € chez Jean Trapet, 534 € chez Denis Mortet, 1 780 € chez Dugat-Py et… 3 500 € chez Leroy ?
« Est-il légitime que, dans le millésime 2014, il soit possible d’acquérir une bouteille de Chambertin pour 145 € au domaine Rossignol-Trapet, mais qu’il faille débourser 3 500 € chez Leroy ? »