La Revue du Vin de France

CHÂTEAU OLIVIER

Ce bordeaux de légende revient au premier plan Au coeur de l’appellatio­n Pessac-Léognan, le vignoble de château Olivier, soutenu par une équipe technique qui a mis en évidence de nouvelles parcelles exceptionn­elles, donne naissance à un cru bordelais au

- Reportage et dégustatio­n de Pierre Casamayor

L’histoire de château Olivier, un des six crus classés de Graves à la fois en blanc et en rouge, est un exemple des effets collatérau­x du système économique des grands vins de Bordeaux. Avec des atouts naturels exceptionn­els, ce cru n’a jamais atteint la notoriété de ses voisins pour une raison simple : ses vins ont été longtemps absents du système boursier de la place de Bordeaux. Hors la place, point de salut !

Le cru est pourtant ancré dans l’histoire de la région depuis le Moyen Âge. Au début un relais de chasse, on dit que le Prince Noir aimait à y chevaucher. Puis une place forte sur la route qui menait à Bordeaux, édifiée par Arthus d’Olivey, seigneur de Léognan, allié aux La Lande, seigneurs de La Brède et ancêtres de Montesquie­u. Les bases de ce château entouré de douves sont encore debout, avec son parc, sa fontaine, ses plans d’eau, sa rivière de l’Eau Blanche, l’ensemble ayant subi de multiples transforma­tions et embellisse­ments. Après les Fossier de Testard, les Werther, c’est la famille de Bethmann qui, depuis 1886, en est le propriétai­re ; Alexandre est aujourd’hui aux commandes.

Pendant une longue période, le vignoble est un fermage concédé à la maison de négoce Eschenauer qui en assure l’exclusivit­é commercial­e. Olivier voisine à l’époque dans le portefeuil­le prestigieu­x de cette maison avec La Tour de Mons, Rauzan-Ségla ou Smith Haut Lafitte, entre autres. Même si la force commercial­e et la réputation d’Eschenauer (aujourd’hui intégré dans les Grands Chais de France) lui assurent une belle visibilité, le cru est privé du rayonnemen­t planétaire que garantit la multiplici­té des opérateurs de la place de Bordeaux. Château Olivier reste dans l’ombre de ses voisins jusqu’à ce que Jean-Jacques de Bethmann reprenne en main les destinées du cru. Laurent Lebrun est engagé en 2002 avec une mission précise : remettre Olivier au tout premier plan ; il lui accorde les moyens nécessaire­s à cette ambition. Fort intelligem­ment, c’est au vignoble que se portent les premiers efforts, conseillés par le regretté Denis Dubourdieu, aujourd’hui par Valérie Lavigne.

Des surprises gŽologique­s

Le vignoble de 60 hectares fait partie d’un vaste ensemble de 220 hectares, il est niché au milieu d’une forêt multicente­naire, riche de sa diversité d’essences et de faune sauvage, un écosystème bien protégé des influences extérieure­s. Nous sommes sur une terrasse glaciaire de la Garonne, remaniée par les cours d’eau, avec ses îlots de croupes de graves ; on trouve sur cette terrasse Malartic-Lagravière, Fieuzal ou Chevalier. Les deux croupes d’Olivier sont particuliè­rement marquées. À leur sommet, des graves fines mêlées de sables, idéales pour les cabernet-sauvignon, plus argileuses et marneuses à mi-pente, plantées en merlots, et calcaires en bas, propices aux sauvignons et sémillons.

Une étude géologique a dénombré treize types de sols, un gage de complexité, mais aussi une informatio­n essentiell­e pour adapter les bons cépages aux bons terroirs. Une restructur­ation a été entamée, avec arrachages et replantati­ons. Ces études ont révélé des surprises : une parcelle boisée, Bel Air, possède une qualité de graves exceptionn­elle, des graviers et galets enserrés dans une gangue argilo-sableuse, une parcelle que l’antique carte

de Belleyme (1760) montre déjà plantée en vignes. Après déboisemen­t, 8 hectares de cabernet-sauvignon y ont élu domicile en 2004. Une autre parcelle, véritable clairière au coeur la forêt, est actuelleme­nt semée de céréales avant plantation. Autre nouveauté, Bellevue, une parcelle de 5 hectares contre la forêt, côté vignoble historique, a été plantée de cabernet-sauvignon et petit verdot, avec une conduite en bio.

Sur le reste du vignoble, sur les deux croupes historique­s, la viticultur­e est raisonnée, mais pas très loin du bio : 60 % des traitement­s en sont issus, complétés par la confusion sexuelle. Les sols sont travaillés avec les quatre façons traditionn­elles, la taille en guyot simple régule les rendements, avec épamprage, effeuillag­e côté est, rognage, parfois vendanges en vert.

50 % de grand vin

La récolte s’effectue en cagettes, les raisins rouges arrivent sur une première table de tri, ils sont éraflés et passent sur une deuxième table, pompés en cuves inox tronconiqu­es (le nouveau chai est bien divisionna­ire, avec des capacités de 49 à 163 hectolitre­s) pour des vinificati­ons dans le droit fil de la tradition bordelaise. Levurage, remontages et pigeages, à des températur­es de 28° C, pour des cuvaisons de trois semaines à un mois. Après écoulage, les marcs sont pressés, les presses sont séparées en trois catégories, la première sera réincorpor­ée. Les fermentati­ons malolactiq­ues s’effectuent en cuves. Un pré-assemblage détermine le coeur des cabernets et des merlots. L’entonnage suit, dans 33 % de bois neuf. Le parc comporte deux tonneliers principaux, avec des fûts de chauffe moyenne. Deux soutirages pendant un élevage sous bois qui dure douze mois. L’assemblage isole le grand vin, seulement 50 % des volumes, l’ambition de ce cru est à ce prix.

Pour les blancs, issus des parcelles calcaires, les sémillons ont été replantés en sélections massales, dans la mouvance du groupe initié par Xavier Planty à Guiraud (Sauternes). Les raisins sont pressés sous gaz inerte, débourbés avec enzymage à 8° C pendant une nuit, les jus sont séparés en fonction de leur pH. La fermentati­on démarre en cuves, puis les moûts sont entonnés. Les vins restent six mois en barriques, avec bâtonnage une fois par jour au début, plus espacés ensuite. L’élevage respecte chaque lot, par cépage et par pressoir jusqu’à l’assemblage final en mai.

Le style des vins

L’équipe technique propose une dégustatio­n originale pour découvrir ce qu’apportent les parcelles nouvelles. Sur une matière première issue du millésime 2015, des assemblage­s ont été effectués avec les parcelles disponible­s en 2005, 2010 et 2015, toutes choses égales par ailleurs, mêmes vinificati­ons, même élevage en barriques neuves.

L’assemblage comparable au 2005 (sans les cabernet-sauvignon de Bel Air et sans les petits verdots) dévoile des notes fraîches et menthées, avec du fruit rouge mûr. La bouche est pleine, un peu carrée, avec des tanins épicés.

Le boisé est encore marqué, mais il y a de la longueur. L’ensemble est encore un peu austère.

L’assemblage avec ce qui était à dispositio­n en 2010 (avec la parcelle Bel Air alors en jeunes vignes) révèle un nez floral, un fruité rouge vif, une bouche imprégnée d’un fruité plus intense, des tanins poivrés. La rémanence est plus longue, le boisé mieux marié, il y a plus de vivacité.

L’assemblage 2015 de toutes les parcelles possède un nez plus complexe, avec un fruité plus défini, une bouche ample, avec une structure plus intense, des tanins plus charpentés, une finale sur le fruit aux épices poivrées. Ce vin a plus de dimension et de profondeur. L’apport déterminan­t des nouvelles parcelles

Autre dégustatio­n démonstrat­ive, celle des cépages séparés du millésime 2016. Les vieux cabernets de l’îlot historique, âgés de 40 ans, présentent des fruits rouges matures, avec des notes fraîches, une bouche dense, mais sans lourdeur, avec un beau tonus, des tanins satinés, une belle finale complexe.

Les cabernets de la parcelle Bel Air, âgés de 10 ans, dévoilent des notes florales, des fruits rouges vifs, une bouche soyeuse, des tanins très fondus, une finale très allongée. La différence d’âge des vignes n’est pas évidente, nous sommes dans le même degré de qualité, cette parcelle apportant un surplus d’élégance.

Les petits verdots âges de moins de 6 ans ont un nez plus discret, sur le fruit rouge, des notes un peu salines. La bouche est structurée, épicée et poivrée, avec une belle structure, un tonus affirmé, l’assemblage devrait en être conforté.

On le voit, le style de Château Olivier rouge s’oriente vers plus de densité et de définition, avec une progressio­n de la proportion de cabernet-sauvignon dans le grand vin (55 % aujourd’hui). L’apport des nouvelles parcelles sera de plus en plus déterminan­t avec l’augmentati­on de l’âge des vignes, les raisins sont récoltés à plus forte maturité. Ce qui frappe dans les derniers millésimes, c’est la justesse de l’extraction et le parfait équilibre fruit/boisé, un pas de plus vers l’élégance, avec cet inimitable éclat des grands cabernet-sauvignon sur des terroirs qui les mettent en valeur.

Quant aux vins blancs, ils ont toujours été réputés au château Olivier, l’alliance sauvignon-sémillon fonctionne bien sur la partie calcaire du vignoble. Le 2012 est très aromatique, avec une bouche ronde et expressive, une finale tendue. Les millésimes plus anciens témoignent de l’excellente aptitude à la garde de ces blancs. Ainsi, le 2008 est aujourd’hui dans une forme éblouissan­te. À méditer avant d’ouvrir trop tôt des millésimes plus récents.

La progressio­n technique a été accomplie avec succès, reste à asseoir la notoriété de la marque. Le négoce est bien conscient de cette évolution positive, le pari de l’équipe – famille de Bethmann et technicien­s – est en passe de réussir. Quant à l’amateur, il doit se précipiter sur un rapport qualité/prix aujourd’hui imbattable, avant que les sirènes de la spéculatio­n ne s’en emparent !

LE STYLE DU ROUGE S’ORIENTE VERS PLUS DE DENSITÉ ET DE DÉFINITION.

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Les 60 hectares du vignoble de château Olivier, en appellatio­n Pessac-Léognan, font partie d’un ensemble de 220 hectares niché au milieu d’une forêt multicente­naire.
 ??  ?? Les douves du château Olivier nous rappellent que cette très ancienne seigneurie fut une place forte sur la route de Bordeaux au Moyen Âge.
Les douves du château Olivier nous rappellent que cette très ancienne seigneurie fut une place forte sur la route de Bordeaux au Moyen Âge.
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Le chai ultra moderne côtoie le château dont la base remonte au Moyen Âge.
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