L’heure de la biodynamie
Depuis plus de 90 ans, La Revue du vin de France tient avec délectation la chronique du beau vin. Vins de plaisir, vins à boire entre amis, vins de conversation, vins sérieux, vins de soif, vins à encaver de longues années, vins canailles, vins d’amour, le vocabulaire est infini. Et voilà que ce foisonnant glossaire s’enrichit de termes nouveaux, voilà que pour la première fois en près d’un siècle, la biodynamie fait la couverture d’un numéro de la Revue.
Il ne s’agit pas d’une tocade, encore moins d’une mode. C’est une vague de fond. Demain, le grand vin mais aussi le vin de soif ne pourront plus être associés aux traitements chimiques des sols et des plantes. Il sera impossible de justifier que, au nom de la lutte contre le mildiou, des Premiers crus classés bordelais soient encore traités au fosétyl-aluminium. Qui sera fier de déboucher un Grand cru de Champagne ou de Chablis issu d’un terroir désherbé au glyphosate ?
Loin d’être un handicap, l’avènement du bio constitue le plus sûr passeport pour l’avenir du vin. Tandis que souffle le vent furieux de la globalisation, partout en Europe s’exprime un désir d’enracinement, d’appartenance, une soif de naturel et d’authenticité. Par leur histoire, leur singularité et leur excellence, les vins français ou italiens, les crus de la Rioja comme de la vallée du Rhin ont cette faculté, en plus du plaisir qu’ils apportent, de restituer cette harmonie si recherchée aujourd’hui. À condition qu’ils offrent à l’amateur une certaine pureté.
Vous le verrez, la tournée des vignerons biodynamistes alsaciens présentée dans ce numéro est riche d’enseignements. D’abord parce que l’Alsace est aujourd’hui la région la plus biodynamique d’Europe, et probablement du monde (seule l’absence de statistiques fiables en Amérique du Sud nous empêche de l’écrire ici). Ensuite parce qu’en Alsace comme dans la plupart des régions de France, ce sont souvent les vignerons et les vigneronnes les plus exigeants qui se lancent sur la voie de la biodynamie.
Au domaine Zind-Humbrecht, nous avons fait glisser entre nos doigts la terre fluide là où la griffe du tracteur, il y a vingt ans, n’exhumait que de lourdes mottes compactes et sans vie. Nous avons herborisé aux côtés de Maurice Barthelmé, du domaine Albert Mann, qui décrit si bien comment la biodynamie a restitué les notes de bergamote caractéristiques de son Grand cru Steingrubler, des notes qui avaient disparu dans le verre. C’était passionnant.
Bien entendu, nous avons aussi voulu évaluer le goût du vin biodynamique. Et c’est une superbe sélection que rapporte ici Caroline Furstoss, cinquante vins vibrants qui expriment leur terroir avec profondeur et dignité. Comme le rappelle Eddy LeiberFaller, la biodynamie ne règle pas tous les problèmes, notamment face à la sécheresse qui progresse. Mais elle donne confiance, nourrit la curiosité des hommes et répond aux aspirations de chacun à un environnement et à des vins plus sains et naturels.
« DEMAIN, LE VIN NE POURRA PLUS ÊTRE ASSOCIÉ AUX TRAITEMENTS CHIMIQUES DES SOLS ET DE LA PLANTE. »