Poésie et métaphysique du vin par Nöel Balen
Romancier et co-auteur de la série à succès de romans policiers Le Sang de la vigne, Noël Balen est sans doute l’écrivain qui a vendu le plus de livres sur le vin en France. C’est lors d’un repérage pour l’un des épisodes de la série qu’il a découvert les ouvrages de Pierre Poupon (19172009). « J’ai lu ses textes sur le vin. Et là, je me suis aperçu que je n’étais pas simplement devant un auteur du vin, mais face à un véritable écrivain, avec une musicalité. S’il était né à Saint-Germain-des-Prés, il aurait pu signer chez Gallimard ou au Mercure de France » , constate Noël Balen, qui place au sommet de sa pile d’ouvrages sur le vin Pensées d’un dégustateur, publié en 1957, puis augmenté et réédité en 1975 sous le titre définitif Nouvelles pensées d’un dégustateur.
Aux yeux du romancier, Pierre Poupon est autant un homme de lettres qu’un homme du vin, à la fois encyclopédiste et poète. Un
esprit éclairé qui considérait que « boire du chambertin à grandes lampées est une erreur plus grave que de lire du Racine à la sauvette » . Ce livre constitue pour Noël Balen la pierre angulaire d’une oeuvre tout entière dédiée à l’art de vivre en civilisation bachique : « D’ailleurs, dans Cauchemar dans les Côtes de Nuits, je fais lire du Pierre Poupon à mon héros, Benjamin Cooker » . Pour le romancier, « les mots de Pierre Poupon claquent sous la langue et doivent se déguster à petites gorgées pour en exhaler toute la force, la finesse et l’authenticité »
Un rapport métaphysique à la bonne chère et au vin
Dans une autre veine littéraire, mais tout aussi proche d’une certaine philosophie de la vie et de la terre,
Noël Balen convoque Jim Harrison. « Il fait partie de ces marginaux de l’Amérique. J’aime beaucoup son rapport métaphysique à la bonne chère et au vin » , commente-t-il. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a choisi Aventures d’un gourmand vagabond, paru en 2002. « Jim Harrison y parle de son rapport aux plaisirs de la table. Ce sont des souvenirs personnels, pas un roman. » Un choix qui tranche avec les textes de Pierre Poupon. Noël Balen évoque ensuite Maurice Constantin-Weyer, auteur de L’âme du vin. Un romancier presque oublié, prix Goncourt 1928, dont l’oeuvre est pourtant pléthorique. « J’aime beaucoup le côté engagé, passionné et finalement très français de cet auteur. Il fait partie de ceux qui, dans les années 30, glorifiaient une certaine identité française » , résume Noël Balen, qui trouve chez Constantin-Weyer « une approche très terroir » du vin. « C’est un texte daté pour un amateur d’aujourd’hui, mais qui parle du vin avec romantisme et mélancolie. » Enfin, parmi les érudits qui ont éclairé son cheminement, Noël Balen a retenu Malek Chebel et son Anthologie du vin et de l’ivresse en Islam. « J’ai eu la chance de le connaître. Il vivait l’Islam comme une culture non comme une religion, de manière détachée, avec un discours intelligent, au-delà des problématiques d’intégration ou de civi
lisation » , analyse le romancier. Cet anthropologue et psychanalyste algérien replace le vin au sein du monde musulman, avec une mise en perspective des textes des grands lettrés. « C’est un hymne raisonné à la sensualité et au dépassement des interdits. Édifiant et lumineux. »