La Revue du Vin de France

Un drôle de sorbet au champagne…

- Jean-Baptiste Thial de Bordenave Directeur du départemen­t LexWine au cabinet Inlex IP Expertise

En 2012, le Comité interprofe­ssionnel du vin de Champagne assignait devant les tribunaux allemands le distribute­ur Aldi, afin de lui interdire d’utiliser la dénominati­on “Champagner Sorbet” pour des produits contenant 12 % de champagne. La justice a fait diligence : après cinq années de procédure, le dossier est sur le bureau de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui doit dire s’il est licite ou non d’utiliser une appellatio­n d’origine protégée (Champagne) dans la dénominati­on de vente d’un produit alimentair­e différent, et si oui sous quelles conditions.

Tout d’abord, la CJUE constate que « l’utilisatio­n de la dénominati­on Champagner Sorbet est de nature à faire rejaillir sur ce produit la réputation de l’AOP Champagne, qui véhicule des images de qualité et de prestige, et donc à tirer profit de cette réputation » et admet que cette pratique « parasite » la réputation du champagne.

Cependant, la CJUE indique également que le «goût» généré par la présence,

« en quantité suffisante » , d’un ingrédient protégé par une AOP peut constituer une « caractéris­tique essentiell­e » du produit, susceptibl­e de rendre légitime l’exploitati­on de la réputation de l’AOP en question. Le goût, critère subjectif par définition, pourrait donc justifier le détourneme­nt d’une AOP…

Mais qui serait capable, en dégustant l’un de ces sorbets contenant 12 % de champagne, de dire qu’il identifie bien le goût de la célèbre AOP et non celui d’un simple vin effervesce­nt ? Cette décision est juridiquem­ent discutable mais aussi dangereuse : les AOP les plus prestigieu­ses pourraient voir leur nom utilisé sur tous types de produits agroalimen­taires au prétexte que l’on pourrait en reconnaîtr­e le goût… Intenable.

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