Un drôle de sorbet au champagne…
En 2012, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne assignait devant les tribunaux allemands le distributeur Aldi, afin de lui interdire d’utiliser la dénomination “Champagner Sorbet” pour des produits contenant 12 % de champagne. La justice a fait diligence : après cinq années de procédure, le dossier est sur le bureau de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui doit dire s’il est licite ou non d’utiliser une appellation d’origine protégée (Champagne) dans la dénomination de vente d’un produit alimentaire différent, et si oui sous quelles conditions.
Tout d’abord, la CJUE constate que « l’utilisation de la dénomination Champagner Sorbet est de nature à faire rejaillir sur ce produit la réputation de l’AOP Champagne, qui véhicule des images de qualité et de prestige, et donc à tirer profit de cette réputation » et admet que cette pratique « parasite » la réputation du champagne.
Cependant, la CJUE indique également que le «goût» généré par la présence,
« en quantité suffisante » , d’un ingrédient protégé par une AOP peut constituer une « caractéristique essentielle » du produit, susceptible de rendre légitime l’exploitation de la réputation de l’AOP en question. Le goût, critère subjectif par définition, pourrait donc justifier le détournement d’une AOP…
Mais qui serait capable, en dégustant l’un de ces sorbets contenant 12 % de champagne, de dire qu’il identifie bien le goût de la célèbre AOP et non celui d’un simple vin effervescent ? Cette décision est juridiquement discutable mais aussi dangereuse : les AOP les plus prestigieuses pourraient voir leur nom utilisé sur tous types de produits agroalimentaires au prétexte que l’on pourrait en reconnaître le goût… Intenable.