La Revue du Vin de France

Quand les magnats des vins tranquille­s bousculent le roi champagne

Castel, Gérard Bertrand, Paul Mas, Tariquet… Tandis que les ventes de champagne s’essoufflen­t, des acteurs majeurs du vignoble se lancent dans la bulle avec des vins revisités et moins chers.

- Karine Valentin

La cuvée Entracte du domaine Tariquet est un effervesce­nt de luxe. À 12 euros, il fait la nique aux bulles de papa (Kriter, Café de Paris ou Charles Volner) dont les prix rasent le plancher de la grande distributi­on à 5 euros maxi. Brut nature zéro dosage, le nouveau gascon titre à peine 10,5° d’alcool et pétille de ses sucres naturels sans adjonction de gaz carbonique avant de passer six mois sur ses lies dans des cuves Isobare, suivant la méthode Charmat, très utilisée en Italie pour le prosecco.

Commercial­isées depuis juin, les 13 000 premières bouteilles « ont reçu un excellent accueil de la part des cavistes. La finesse de la bulle, la légèreté et le fruit sont différents de ce que l’on trouve sur le marché » , souligne Ithier Bouchard, directeur commercial de Tariquet, convaincu que la cuve close peut avoir du panache. Millésimé, Entracte n’est en aucun cas concurrent du champagne, jure-t-on chez Tariquet. On n’en jurerait pas…

LANGUEDOC, DIE OU BORDEAUX

Et pour cause : tandis que les ventes de champagne reculent sur le marché français, de plus en plus d’acteurs majeurs du vignoble se lancent dans la bulle. Cuve close, méthode traditionn­elle, sucres naturels : l’idée est de produire des effervesce­nts plus modernes et surtout moins chers. Une façon de s’adresser au consommate­ur décomplexé, infidèle au champagne, qui veut découvrir d’autres bulles entre 7 et 20 euros. Une manière aussi de damer le pion des producteur­s de prosecco, le roi des effervesce­nts italiens, aujourd’hui portés par le succès du Spritz.

En Languedoc, à Limoux, Jean-Claude Mas s’est lancé sur ce marché dès 2013 avec la marque Château de Martinolle­s. Mais depuis peu, il accélère. Toujours inspiré par l’Italie et fasciné par le succès de la maison Ferrari, leader du prosecco, le vigneron et négociant languedoci­en vient de débloquer de gros investisse­ments pour développer sa production de pétillant en méthode traditionn­elle. Objectif : passer de 750 000 à 2 millions de bouteilles vendues par an et augmenter la part des bulles dans sa production (7 % des vins produits par les domaines Paul Mas sont des crémants, en progressio­n de 15 à 20 % par an).

Autre vignoble, autre bulle : Jaillance. La Drômoise a fait un bout de chemin depuis le Diois. La marque, créée en 2000, a émigré en 2001 à Bordeaux

pour prendre la tête du marché des crémants bordelais avant de conquérir la Loire en 2017. Une seule marque, plusieurs terroirs pour rassurer un consommate­ur déjà conquis par le prix des bouteilles : de 5,50 à 7 euros suivant que l’étiquette affiche Die, Bordeaux ou Loire, bio ou pas. Seconde marque AOP française, Jaillance est à son aise sur ce marché des bulles hors champagne, l’un des rares à progresser avec le segment des rosés.

ATTIRER LES JEUNES

Et voilà qu’à son tour le groupe Castel investit dans des bulles de qualité : champion de la cuve close avec des vins vendus à moins de 3 euros en grande distributi­on, le groupe investit depuis peu dans l’AOP. Il compte beaucoup sur son crémant haut de gamme Cru la Maqueline, propriété de Philippe Castel, P.-D.G. de Castel Frères. Ce blanc de noirs élevé 24 mois sur lies et vendu 13 euros chez Nicolas est un crémant de niche. Une démarche qui vient compléter la toute récente marque Sainchargn­y, de la Cave de Lugny, en Saône-et-Loire. Six étiquettes de haut vol sur le front des crémants bourguigno­ns qui, forte de ses chardonnay­s et pinots noirs, entend tailler des croupières au champagne.

Autant de lancements qui valident la stratégie d’un certain Gérard Bertrand. L’ex-rugbyman avait dégainé le premier avec une bulle audoise baptisée Code Rouge. C’était en 2010. Aujourd’hui, il produit entre 50 et 60 000 bouteilles de cette cuvée.

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Rémy et Armin Grassa, les deux frères à la tête de Tariquet, signent leur entrée dans le monde des bulles avec leur cuvée Entracte.
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Dès 2010, Gérard Bertrand lançait ses bulles, baptisées Code Rouge.

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