David Ridgway, l’ange gardien de La Tour d’Argent
Le sommelier britannique prend une semi-retraite après 38 ans consacrés à créer la plus belle cave du monde. Et il devient français !
Il débarrasse petit à petit le fouillis de son repaire, au fin fond d’un labyrinthe tapissé de bouteilles. Depuis ce bureau borgne, il répond au téléphone à un vigneron surpris par la nouvelle et l’invite dans son nouveau coin de campagne, en Normandie. David Ridgway, 63 ans, est le jeune retraité le plus célèbre de la sommellerie. Depuis la rentrée, cet Anglais débonnaire a laissé son sceptre à Julien Toitou, 32 ans, un ex du Meurice. Mais pendant 38 ans, il a régné sur les célèbres vieux vins de La Tour d’Argent, sans doute le restaurant français le plus célèbre, et surtout constitué la plus belle cave du monde.
UN TRÉSOR OENOLOGIQUE
« Quand je suis arrivé en 1981, il y avait ici environ 80 000 bouteilles, nous sommes montés jusqu’à plus de 500 000 ! » , se félicite-t-il. Un trésor oenologique fondé sur une promesse unique : ne servir que des vins à maturité. Un credo qui a un coût, démesuré, quand bien même La Tour d’Argent, avec le temps, aura divisé par deux le nombre de couverts pour coller aux canons d’un établissement de luxe. « Même si nous achetons moitié moins qu’avant, cela représente toujours à peu près le même budget annuel : 500 000 euros ! »
BIENTÔT FRANÇAIS
Le sommelier a vécu ici des émotions intenses, citant la romanée-conti 1978 (année pourtant moyenne au DRC), référence goûtée une quinzaine de fois, et dont une seule bouteille lui a donné le frisson de sa vie. Son principal regret : ces clients qui font davantage confiance à leurs applis qu’aux recommandations des sommeliers.
Mais M. Ridgway ne quitte pas totalement La Tour d'Argent : « David est notre ange gardien, il reste à nos côtés comme consultant » , explique André Terrail, troisième génération de propriétaire. L’Anglais va pouvoir visiter les 300 vignerons (dont un tiers en Bourgogne), triés sur le volet, qui alimentent la cave. Et consacrer un peu de temps à une importante formalité administrative : « Avec le Brexit, j’ai décidé de demander la nationalité française, les choses seront plus simples » , dit-il avec son air qui reste, malgré tout, so british.