L’incroyable histoire du vignoble de Cuba
Il n’apparaît sur aucune carte, mais les bouteilles produites à partir de ses vignes se vendaient, cher, aux amis du régime. Avant de disparaître…
La rumeur courait depuis des années, mais bien difficile à vérifier dans une des dernières dictatures communistes de la planète. Un vignoble aurait été créé par l’économie collectiviste, une sorte de “vin de Cuba” ayant reçu l’indispensable bénédiction de la famille Castro, les frères Fidel et Raul étant réputés ne jamais reculer devant les plaisirs offerts à l’oligarchie en place. Seulement voilà : l’explorateur Jean-Baptiste Ancelot, dans son tour du monde, n’avait pas réussi à le localiser, et donc à ajouter Cuba comme 91e pays producteur de vin dans son livre Wine Explorer, le 1er Tour du monde du vin.
Pourtant, le vignoble a bel et bien existé et a produit du vin pendant une quinzaine d’années, comme nous l’ont confirmé plusieurs sources locales, notamment dans le milieu des bartenders de l’île qui s’est entrouverte au tourisme. Il se nommait encore récemment la Bodega de San Cristobal, du nom d’une petite localité au nord-ouest du pays, et produisait des cuvées relativement médiocres, dont la plus connue, Soroa, est toujours disponible au prix prohibitif d’une vingtaine d’euros sur place. D’ailleurs, en fouillant dans un vieux livre de souvenirs de l’importateur Claude Gilois, on s’aperçoit qu’il relate avoir approché les installations des vignes cubaines… gardées par l’armée révolutionnaire (*).
UN VIN CUBAIN… D’ASCENDANCE ITALIENNE !
À l’origine du projet, il y a… une entreprise familiale connue en Italie : Fantinel. Dans les années 90, cette dynastie de viticulteurs externalise son savoir-faire dans des contrées improbables. Elle propose, on ne sait par quel biais, aux autorités cubaines de créer un “grand cru des Caraïbes” sur l’île. Une joint-venture est scellée pour produire du vin, d’abord à partir de moûts importés d’Italie, mais ensuite en acclimatant des vignes, également d’origine italienne (cabernet-sauvignon, pinot grigio et chardonnay). En 2003, la Bodega San Cristobal produisait un million de bouteilles, toutes destinées aux amis du régime et aux visiteurs étrangers. Depuis un brouillard semble s’être abattu sur ce vignoble qui, apparemment, n’a pas survécu à la disparition des Castro…
(*) Tour du monde épicurien des vins insolites,
C. Gilois et R. Uztarroz, Arthaud