Quand le champagne se remet en question
Le vignoble champenois est réputé être l’un des plus prospères de France. Il est aussi devenu l’un des plus créatifs. En effet, la concurrence que se livrent les “bulles” au niveau mondial est devenue farouche. Et face à l’offensive des proseccos italiens et cavas espagnols (sans oublier lesprogrèsdurosé),maisonsetvigneronssontobligésdephosphorer et de mieux travailler pour se distinguer.
Cette émulation fait le jeu des amateurs. On trouve en effet en Champagne de plus en plus de cuvées originales : vinifications sous bois, sous verre ou en terre cuite, diminution sévère des doses de soufre, sélections parcellaires, réhabilitation de cépages anciens, travail minutieux des vins de réserve… l’exploration de la diversité champenoise attise la curiosité et la gourmandise, c’est très excitant.
En complément des accords élaborés avec les chefs (lire p. 78), voici 201 cuvées qui racontent l’effervescence qui agite aujourd’hui la Champagne. La première étape de cette exploration est dédiée à une famille en vogue, les bruts “nature”, également appelés “non dosés”. Attention : en Champagne, le mot “nature” ne signifie pas absence de soufre mais absence de liqueur d’expédition, autrement dit de sucre rajouté. Le non-dosage nécessite justement la récolte d’un raisin bien mûr et un vieillissement prolongé, deux gages de qualité. Sont regroupées sous cette mention de formidables cuvées revigorantes, à l’image du Grand cru de Benoît Lahaye et de l’Ultra Brut de Laurent-Perrier, pionnier en la matière.
SAVOIRATTENDREUNBRUTSANSANNÉE
Nouspoursuivonsaveclafamilledesbrutssansannée(BSA),qui représententl’essentieldesvolumesdelaChampagne(environ 80 %). Il ne faut pas voir ici de simples champagnes d’entrée de gamme. Au contraire, ces cuvées peuvent être qualifiées de “métronomes” : ce sont elles qui permettent de juger de la qualité et du savoir-faire d’une maison ou d’un vigneron.
Pour ciseler leurs BSA, les grandes maisons ont un avantage : ellesbénéficientsouventd’approvisionnementsenpinotnoir, meunier et chardonnay d’origines diverses, ce qui garantit la régularité de style de leurs vins. Elles prennent aussi le temps
de les façonner en cave (deux àquatreansdevieillissement) afin qu’ils soient vendus prêts à être dégustés. Goûtez par exemple le réconfortant brut RéservedeCharlesHeidsieck.
Les vignerons, eux, se distinguent par des BSA affirmant les singularités de leurs terroirs, tel le brut Tradition de Gatinois. Parfois commercialisés trop jeunes, certains mériteront un à deux ans de plus dans votre cave avant de révéler tout leur potentiel (faites le test avec Solessence de J-M Sélèque).
Côtéblancdeblancs,lafraîcheur élégante reste le critère essentiel. Majoritairement issus de chardonnay, les meilleurs peuvent prendre un tour salin, délicatement fruité. Ils viennent souvent de la Côte des Blancs, vivier de jeunes talents tels Étienne CalsacouJean-PhilippeWaris (Waris-Larmandier).
REMONTERLETEMPS
Dansunregistretypéetstructuré, de plus en plus de blancs de noirs (issus de pinot noir et/ou de meunier) affichent une personnalité vineuse et profonde, tel celui de Louis Nicaise à Hautvillers.
Enfin, n’oubliez pas les millésimés. La Champagne est la seule région à offrir autant d’années disponibles à la vente, il serait déraisonnable de s’en priver. De 2014 à… 1985, vous trouverez forcément votre bonheur dans notre dossier.
Côté prix, même s’ils s’envolentvite,nousnousréjouissons de partager avec vous de délicieux champagnes à moins de 30 euros, comme chez Fleury, Waris-Hubert, Yann Alexandre, Nicolas Maillart, Lancelot-Pienne…
Conditions de la dégustation
342 champagnes ont été dégustés par Alexis Goujard et Olivier Poels dans les locaux de La RVF en septembre et octobre 2019.
avec un beau pâté en croûte. 35 € // Bouteilles/an : 2 000
15,5/ 20
LAURENT-PERRIER
Ultra Brut
La maison pionnière dans les bruts “nature” cisèle une cuvée toujours exemplaire. Une expression légèrement citronnée, un coeur de bouche plein et une finale très franche.
50 €
15,5/ 20
FRANCK PASCAL Reliance
Un brut “nature” (des trois cépages, 2012 et 2011) d’une rare suavité gourmande, qui reste néanmoins énergique. Un champagne avenant, sans aucune rusticité à l’apéritif.
39 € // Bouteilles/an : 20 000
15/ 20
CAILLEZ-LEMAIRE
La patine de l’élevage sous bois ouvre ce champagne, accompagne le caractère automnal et feuillu du meunier de Damery et une sensation mûre enveloppant la bouche. Une tension mûre pour accompagner un filet de veau aux morilles. 45 € // Bouteilles/an : 1 200
15/ 20
DIDIER DOUÉ
Les Corres
Pas d’une grande longueur, ce champagne est néanmoins très identitaire de son terroir de Montgueux. Un exotisme de saveurs se dégage sur un jus gourmand, approchable sans austérité.
35 € // Bouteilles/an : 3 500
15/ 20
WARIS-HUBERT
Grand cru Blanc de blancs Lyliale Trois crus de la Côte des Blancs (Avize, Oger et Cramant), de trois années (2014-2013-2012), s’expriment aujourd’hui sans fard pour faire jaillir les belles notes fraîches et noisetées du chardonnay. Excellent rapport qualité/prix.
22 € // Bouteilles/an : 20 000
14,5/ 20
SADI-MALOT
Zéro Liqueur
Ce blanc de blancs vigoureux, qui conserve néanmoins un goût prégnant jusqu’à une finale ciselée, sans esbroufe, est une très bonne affaire.
18 € // Bouteilles/an : 5 500
14/ 20
MARIE COPINET
Blanc de Blancs
Un chardonnay non dosé plutôt tendre dans les arômes vanillés, procurant une certaine amabilité. La finale se montre agréablement acidulée.
30 € // Bouteilles/an : 6 000
14/ 20
GILBERT LESSEURRE
Ce pinot noir passé en cuves inox dévoile une certaine évolution aromatique qui lui procure un relief de saveur de fruits rouges, derrière une touche de réduction. Une chair très avenante et fruitée du pinot de l’Aube.
27,50 € // Bouteilles/an : 7 500
17/ 20
ÉGLY-OURIET
Brut Grand cru Tradition Reposé 48 mois en cave, ce brut est d’une vinosité hors pair, égalant celle d’un beau blanc bourguignon. D’une allonge extrêmement saline, avec une sensation crayeuse si puissante qu’il semble tannique. Dégorgé en juillet 2019.
48 € // Bouteilles/an : 5 000
17/ 20
JACQUESSON
Extra-brut N° 742
Grand respect du fruit dans cet assemblage dominé par la vendange de 2014. Un champagne toujours mené au cordeau avec un élan hyper dynamique et délicatement salin. À déboucher maintenant ou bien à garder en cave.
45 € // Bouteilles/an : 222 044