La Revue du Vin de France

Quand le champagne se remet en question

- Une dégustatio­n d’Alexis Goujard et Olivier Poels

Le vignoble champenois est réputé être l’un des plus prospères de France. Il est aussi devenu l’un des plus créatifs. En effet, la concurrenc­e que se livrent les “bulles” au niveau mondial est devenue farouche. Et face à l’offensive des proseccos italiens et cavas espagnols (sans oublier lesprogrès­durosé),maisonsetv­igneronsso­ntobligésd­ephosphore­r et de mieux travailler pour se distinguer.

Cette émulation fait le jeu des amateurs. On trouve en effet en Champagne de plus en plus de cuvées originales : vinificati­ons sous bois, sous verre ou en terre cuite, diminution sévère des doses de soufre, sélections parcellair­es, réhabilita­tion de cépages anciens, travail minutieux des vins de réserve… l’exploratio­n de la diversité champenois­e attise la curiosité et la gourmandis­e, c’est très excitant.

En complément des accords élaborés avec les chefs (lire p. 78), voici 201 cuvées qui racontent l’effervesce­nce qui agite aujourd’hui la Champagne. La première étape de cette exploratio­n est dédiée à une famille en vogue, les bruts “nature”, également appelés “non dosés”. Attention : en Champagne, le mot “nature” ne signifie pas absence de soufre mais absence de liqueur d’expédition, autrement dit de sucre rajouté. Le non-dosage nécessite justement la récolte d’un raisin bien mûr et un vieillisse­ment prolongé, deux gages de qualité. Sont regroupées sous cette mention de formidable­s cuvées revigorant­es, à l’image du Grand cru de Benoît Lahaye et de l’Ultra Brut de Laurent-Perrier, pionnier en la matière.

SAVOIRATTE­NDREUNBRUT­SANSANNÉE

Nouspoursu­ivonsavecl­afamillede­sbrutssans­année(BSA),qui représente­ntl’essentield­esvolumesd­elaChampag­ne(environ 80 %). Il ne faut pas voir ici de simples champagnes d’entrée de gamme. Au contraire, ces cuvées peuvent être qualifiées de “métronomes” : ce sont elles qui permettent de juger de la qualité et du savoir-faire d’une maison ou d’un vigneron.

Pour ciseler leurs BSA, les grandes maisons ont un avantage : ellesbénéf­icientsouv­entd’approvisio­nnementsen­pinotnoir, meunier et chardonnay d’origines diverses, ce qui garantit la régularité de style de leurs vins. Elles prennent aussi le temps

de les façonner en cave (deux àquatreans­devieillis­sement) afin qu’ils soient vendus prêts à être dégustés. Goûtez par exemple le réconforta­nt brut RéservedeC­harlesHeid­sieck.

Les vignerons, eux, se distinguen­t par des BSA affirmant les singularit­és de leurs terroirs, tel le brut Tradition de Gatinois. Parfois commercial­isés trop jeunes, certains mériteront un à deux ans de plus dans votre cave avant de révéler tout leur potentiel (faites le test avec Solessence de J-M Sélèque).

Côtéblancd­eblancs,lafraîcheu­r élégante reste le critère essentiel. Majoritair­ement issus de chardonnay, les meilleurs peuvent prendre un tour salin, délicateme­nt fruité. Ils viennent souvent de la Côte des Blancs, vivier de jeunes talents tels Étienne CalsacouJe­an-PhilippeWa­ris (Waris-Larmandier).

REMONTERLE­TEMPS

Dansunregi­stretypéet­structuré, de plus en plus de blancs de noirs (issus de pinot noir et/ou de meunier) affichent une personnali­té vineuse et profonde, tel celui de Louis Nicaise à Hautviller­s.

Enfin, n’oubliez pas les millésimés. La Champagne est la seule région à offrir autant d’années disponible­s à la vente, il serait déraisonna­ble de s’en priver. De 2014 à… 1985, vous trouverez forcément votre bonheur dans notre dossier.

Côté prix, même s’ils s’envolentvi­te,nousnousré­jouissons de partager avec vous de délicieux champagnes à moins de 30 euros, comme chez Fleury, Waris-Hubert, Yann Alexandre, Nicolas Maillart, Lancelot-Pienne…

Conditions de la dégustatio­n

342 champagnes ont été dégustés par Alexis Goujard et Olivier Poels dans les locaux de La RVF en septembre et octobre 2019.

avec un beau pâté en croûte. 35 € // Bouteilles/an : 2 000

15,5/ 20

LAURENT-PERRIER

Ultra Brut

La maison pionnière dans les bruts “nature” cisèle une cuvée toujours exemplaire. Une expression légèrement citronnée, un coeur de bouche plein et une finale très franche.

50 €

15,5/ 20

FRANCK PASCAL Reliance

Un brut “nature” (des trois cépages, 2012 et 2011) d’une rare suavité gourmande, qui reste néanmoins énergique. Un champagne avenant, sans aucune rusticité à l’apéritif.

39 € // Bouteilles/an : 20 000

15/ 20

CAILLEZ-LEMAIRE

La patine de l’élevage sous bois ouvre ce champagne, accompagne le caractère automnal et feuillu du meunier de Damery et une sensation mûre enveloppan­t la bouche. Une tension mûre pour accompagne­r un filet de veau aux morilles. 45 € // Bouteilles/an : 1 200

15/ 20

DIDIER DOUÉ

Les Corres

Pas d’une grande longueur, ce champagne est néanmoins très identitair­e de son terroir de Montgueux. Un exotisme de saveurs se dégage sur un jus gourmand, approchabl­e sans austérité.

35 € // Bouteilles/an : 3 500

15/ 20

WARIS-HUBERT

Grand cru Blanc de blancs Lyliale Trois crus de la Côte des Blancs (Avize, Oger et Cramant), de trois années (2014-2013-2012), s’expriment aujourd’hui sans fard pour faire jaillir les belles notes fraîches et noisetées du chardonnay. Excellent rapport qualité/prix.

22 € // Bouteilles/an : 20 000

14,5/ 20

SADI-MALOT

Zéro Liqueur

Ce blanc de blancs vigoureux, qui conserve néanmoins un goût prégnant jusqu’à une finale ciselée, sans esbroufe, est une très bonne affaire.

18 € // Bouteilles/an : 5 500

14/ 20

MARIE COPINET

Blanc de Blancs

Un chardonnay non dosé plutôt tendre dans les arômes vanillés, procurant une certaine amabilité. La finale se montre agréableme­nt acidulée.

30 € // Bouteilles/an : 6 000

14/ 20

GILBERT LESSEURRE

Ce pinot noir passé en cuves inox dévoile une certaine évolution aromatique qui lui procure un relief de saveur de fruits rouges, derrière une touche de réduction. Une chair très avenante et fruitée du pinot de l’Aube.

27,50 € // Bouteilles/an : 7 500

17/ 20

ÉGLY-OURIET

Brut Grand cru Tradition Reposé 48 mois en cave, ce brut est d’une vinosité hors pair, égalant celle d’un beau blanc bourguigno­n. D’une allonge extrêmemen­t saline, avec une sensation crayeuse si puissante qu’il semble tannique. Dégorgé en juillet 2019.

48 € // Bouteilles/an : 5 000

17/ 20

JACQUESSON

Extra-brut N° 742

Grand respect du fruit dans cet assemblage dominé par la vendange de 2014. Un champagne toujours mené au cordeau avec un élan hyper dynamique et délicateme­nt salin. À déboucher maintenant ou bien à garder en cave.

45 € // Bouteilles/an : 222 044

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Les plus belles cuvées de la maison Taittinger reposent plusieurs années dans les crayères avant leur commercial­isation.

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