La Revue du Vin de France

Accord minute

- Par Olivier Poussier

En France, la langue est un plat “canaille” typique des bistrots. Cet abat à la chair très tendre offre un bon équilibre entre protéines et matières grasses. Si sa préparatio­n est fastidieus­e – la phase de dégorgemen­t est un peu longue et la cuisson est lente –, les recettes qui en découlent sont délicieuse­s : langue sauce gribiche, langue sauce cornichons, langue sauce madère, etc.

Prenons la classique langue à la sauce piquante. Composée de purée de tomate, de concentré de tomate et d’échalotes, avec un léger côté épicé apporté par des cornichons émincés, cette sauce donne beaucoup de relief à la texture tendre de la langue. Sur cette recette, les vins les plus adéquats doivent être juteux, dotés d’un fruit gourmand et d’une belle acidité en bouche. De préférence pas trop puissants en alcool et plutôt jeunes, avec une trame rafraîchis­sante. La belle acidité du vin est importante car elle se joue des saveurs “aigrelette­s” du cornichon.

Sur ce type de plat, j’ai un penchant pour le gamay, avec une belle expression de Côte Roannaise : la cuvée Perdrizièr­e

2018 de Stéphane Sérol. La variété gamay-saint-romain séduit par son fruit scintillan­t et ses notes de poivre au moulin. L’altitude du vignoble confère souvent à cette appellatio­n une belle adéquation entre maturité et fraîcheur en bouche ; ce sont des vins sapides. La cuvée Perdrizièr­e affiche un coeur de bouche plein. La partie vendange entière étire la bouche et le fruit reste toujours bien croquant. C’est une associatio­n maîtrisée sans excès de puissance, qui respecte bien la chair de la langue.

Dans le même esprit, mon deuxième vin est issu d’une appellatio­n générique bourguigno­nne qui, lorsqu’elle est vinifiée par un vigneron hors pair, peut atteindre un niveau de qualité vraiment intéressan­t. Il s’agit du bourgogne passetoutg­rain 2016 du domaine Robert Groffier Père et fils. Si seulement les vignerons pouvaient tous portera u tant d’ attention que NicolasGro­f fier àl’ élabo ration de leur passe tout grain! Cet assemblage­ga ma y et pinot noir dévoile sur le joli millésime 2016 une bouche étoffée et à la fois digeste. Ce vin parfaiteme­nt équilibré surfe sur l’acidité de la tomate et le léger piquant du cornichon.

À l’étranger, gardons le même esprit avec une belle dôle du Valais élaborée par Marie-Thérèse Chappaz, à Fully, en Suisse. Assemblage de gamay, pinot noir, gamaret et gallotta, La Liaudisaz 2018 est un vin plein de fruit, sans prétention mais avec une trame de bonne facture.

Traversons les Alpes pour découvrir un vin du Piémont. Le cépage italien qui livre des vins légers avec une belle fraîcheur pouvant être bus dès la mise en bouteilles, c’est le dolcetto. La première cuvée domaine se montre parfaite : le dolcetto d’alba 2018

d’Aldo Vajra exprime de la gourmandis­e, avec des baies rouges et une pointe d’épices flatteuse. La bouche est fidèle à ce cépage rond et souple, c’est un vin glouglou !

À vous de faire votre choix, tout en gardant à l’esprit qu’il est essentiel dans cet accord de ne pas choisir des vins trop riches.

« Le gamaysaint-romain séduit par son fruit scintillan­t. Sans excès de puissance, il respecte la chair de la langue »

Par Olivier Poussier Meilleur sommelier du monde 2000

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