IGP Île-de-France : des premiers pas heurtés
À peine née, la dénomination francilienne connaît déjà sa première crise de croissance avec trois modèles économiques qui s’opposent.
C’est un combat vieux de vingt ans qui vient de trouver son aboutissement en janvier 2020. L’Inao a signifié à Patrice Bersac que la création de l’Indication géographique protégée (IGP) Île-de-France allait sous peu être publiée au Journal officiel.
Depuis 1999, le président du Syndicat des vignerons d’Île-de-France (SYVIF) militait pour que ce vignoble autrefois l’un des plus vastes de l’Hexagone (42000hectaresauXVIIIesiècle)renaisse de ses cendres. « Ça n’a pas été facile. Nous nous sommes heurtés à la fois à la proverbiale inertie administrative, à la mauvaise volonté de la viticulture française et même à l’opposition de la chambre d’agriculture d’Îlede-France, regrette-t-il, avant que tout le monde finisse par tirer dans le même sens. »
LESFORCESENPRÉSENCE
Depuis 2016 et la libération des droits de plantation décrétée par l’Europe, le vignoble francilien se développe à la vitesse grand V. Mais deux modèles économiques s’affrontent. D’un côté le SYVIF, qui regroupe les anciens vignobles patrimoniaux (ceux qui cultivaient la vigne pour leur consommation personnelle), des néoruraux se lançant danslavigneetdesagriculteurssoucieux d’écologie. « Nous défendons une viticulture non productiviste, qualitative, biologique centrée sur le vigneron qui possède sa vigne et fait sonproprevin» ,expliqueBrunoLafont,le fondateur du Clos Ferout (Vexin).
De l’autre, la chambre d’agriculture qui a créé l’Association des viticulteurs et vinificateurs en Île-de-France (AVVI), et qui y voit d’abord une solution de diversification pour les agriculteurs de la région revenus du blé ou de la betterave.
Ces deux mondes ont bien du mal à coexister. Surtout qu’un troisième acteur est venu chambouler l’équilibre des forces : la Winerie Parisienne. La start-up qui vinifiait jusqu’à présent des raisins venus de toute la France dispose désormais d’un vignoble de 23 hectares près de Versailles. « Notre première cuvée 100 % francilienne sera lancée en 2020, annonce le directeur Julien Brustis. Et à l’avenir nous aurions vocation à acheter les raisins des viticulteurs d’Île-de-France. »
Un appétit qui inquiète certains, mais qui rappelle surtout qu’un vignoble vivant fait coexister plusieurs modèles économiques.