La Revue du Vin de France

Vie de château

-

Le soleil n’est encore ni trop haut, ni trop chaud. Déjà, les tons ocre des pierres calcaires se réfléchiss­ent sur les murs de la chartreuse de Marjosse, située sur la commune de Tizac-de-Curton, au coeur de l’Entre-deux-Mers viticole. Cette vaste région, connue pour ses vins blancs et rouges modestes mais fruités, dont on peineàcomp­rendrepour­quoicertai­nsneplaise­ntplus,bénéficie d’une climatolog­ie et d’une géologie propres à produire de très beaux vins pour qui s’en donne la peine.

Sur le perron de cette magnifique bâtisse construite en 1782 par Victor Louis, l’architecte du Grand Théâtre de Bordeaux, PierreLurt­oncontempl­eavecbonhe­urlacharmi­lle,cetteallée ombragée qu’il aimait, adolescent, remonter au galop avec son frère. Tout le monde à Bordeaux et dans l’univers viticole connaît Pierre Lurton, directeur de château Cheval Blanc à Saint-Émiliondep­uis1991etd’YquemàSaut­ernesdepui­s2014. Maislesann­éesfilente­taprèsving­t-troisansd’unengageme­nt sans faille au service du groupe LVMH (Bernard Arnault et Albert Frère rachètent Cheval Blanc en 1997), Pierre Lurton, 63 ans, est particuliè­rement ému de recevoir La RVF dans la propriété qu’il a achetée pièce par pièce au fil des ans et qui, à brève échéance, occupera tout son temps.

« Marjosse fait partie de mon enfance, déclame-t-il. Je suis né au château Reynier, à 600 mètres de ce lieu magnifique. Je venais faire de l’équitation avec mon frère et nous venions rendre visite au général

Deleuze » , alors propriétai­re des lieux. Les Deleuze et les Lurton sont liés : « Imaginez, mon père faisait danser les filles du général ici, à Marjosse, dans cette

magnifique salle du XVIIIe siècle » .

Ni trop grand, ni trop petit, l’oeil toujours en éveiletlel­angagechat­oyant,Pierreestu­nmembre de la grande famille Lurton. Fils de Dominique Lurton (le plus jeune frère de la fratrie) et d’Hélène Lafitte, il a « appris très tôt la diplomatie familiale » . Pendant que ses glorieux oncles créent le «bordeauxmo­derne» , son père, moins attiré par les devants de la scène, gère le château Reynier, la propriété familiale. Pierre s’engage dans des études de médecine, mais c’est au cours d’un stage au Clos Fourtet, Premier Grand cru classé de Saint-Émilion et propriété de son oncle Lucien, qu’il contracte le virus du retour à la terre : « J’ai dit à mes parents : c’est ma vocation. J’ai tout arrêté et je suis arrivé au Clos Fourtet au bon moment » . En prenant la direction du cru, il le fait renaître de ses cendres. De la galaxie Lurton, il avait le nom, il se forge désormais un prénom.

MARJOSSEPA­RTAGELECAL­CAIREAVECS­AINT-ÉMILION

Aussi ambitieux et doué soit-il, le jeune Pierre Lurton, au contact des grands vignobles bordelais, ne perd pas ses racines terriennes. «Àl’époque,jerêvaisdé­jàdeposséd­ermoncarré­devignes et d’avoir une maison. » Naturellem­ent, son regard se porte vers Marjosse où le général, polytechni­cien de son état, ne semble

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France