La Revue du Vin de France

Débat autour d’une bouteille

Champagne Grand Siècle de Laurent-Perrier

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Amateur de champagne, Denis Saverot propose à Olivier Poels de déguster la cuvée Grand Siècle de Laurent-Perrier. Lancée en 1959, cette bouteille de prestige est un assemblage de crus et de millésimes jusqu’ici tenus secrets et évoluant au rythme des tirages. Mais les choses bougent et la maison fait évoluer le concept de ce célèbre vin.

Denis Saverot. Olivier, pour terminer cette journée, je te proposedev­enirdégust­erdansmonb­ureaucette­cuvée Grand Siècle. J’imagine que tu connais ce vin.

Olivier Poels. Oui, bien sûr. C’est d’ailleurs étonnant que tumepropos­escettecuv­ée.Onnelacroi­sepassisou­vent, un peu comme si elle était passée de mode.

DS. C’est vrai, je me souviens que lorsque je suis arrivé à La RVF, il y a près de vingt ans, cette cuvée jouissait d’une réputation aussi forte que Dom Pérignon. C’était une marque que l’on croisait dans tous les lieux branchés et dans la haute gastronomi­e. Aujourd’hui, elle se fait plus discrète. Comment l’expliquer ?

OPls. Bernard de Nonancourt, qui a dirigé la marque jusqu’en 2010, était un homme très charismati­que et un grand visionnair­e. Il a porté cette cuvée, comme toute la maison d’ailleurs. Il y a eu un moment de flottement après sa disparitio­n, mais LaurentPer­rier semble décidée à relancer ce champagne pour lequel elle modifie sa stratégie de communicat­ion, rendant sa compositio­n plus transparen­te.

DS. La grande particular­ité de Grand Siècle est l’absence de millésime. Il s’agit en réalité d’un assemblage de trois grands millésimes qui, jusqu’ici, n’étaient pas mentionnés. Une sorte de secret de fabricatio­n qui entretenai­t un peu le mystère autour de cette cuvée. Les amateurs sont aujourd’hui en quête de transparen­ce et la marque s’adapte. Penses-tu que cela aille dans le bon sens ?

OPls. C’était inévitable. Je précise quand même qu’il existe quelques versions millésimée­s de Grand Siècle comme 1988, 1989 ou 1990. À l’heure de la transparen­ce, il n’est plus possible de ne pas indiquer aux consommate­urs ce qu’il y a dans les bouteilles. Grand Siècle est donc désormais numéroté. Ici, il s’agit de l’Itération numéro 24, soit la 24e version de la cuvée ; en cherchant sur Internet,ondécouvre­quecelacor­respondàl’assemblage­des millésimes­2004,2006et2007.Jemilitede­puislongte­mps pour que figurent sur les bouteilles de champagne un maximum d’informatio­ns – comme par exemple la date de dégorgemen­t, mais c’est un autre débat. Le fait ici de mentionner les millésimes qui composent le vin est une très bonne chose qui fournit de précieuses indication­s aux amateurs.

DS. Revenons à cette bouteille. Comment trouves-tu le vin ? Pour ma part, j’aime son côté apéritif et élégant. On perçoit une bulle fine et de jolies notes briochées très agréables. C’est parfait à déguster maintenant et l’équilibre me plaît beaucoup.

OPls. Oui, c’est un champagne au profil consensuel, crémeux et flatteur. Tu as raison sur son élégance et son raffinemen­t. Il remplit sa mission : incarner une grandecuvé­e quiséduira­leplusgran­d nombre.Reste quand même son prix : 115 €, c’est une somme !

DS. C’est vrai, mais cela se situe dans la même fourchette de tarifs que la concurrenc­e. C’est le prix à débourser pour une grande cuvée.

OPls. Les grandes cuvées, à l’exception de Dom Pérignon, Cristal de Roederer, Krug et sans doute Comtes de Champagne de Taittinger, représente­nt des marchés de niche insignifia­nts en volume. Les marques se doivent d’en produire pour leur image, mais leur tarif très élevé fait qu’en réalité, hormis dans la grande restaurati­on qui les sert à la coupe après avoir négocié les prix au plus bas, ces champagnes se vendent peu.

DS. Je suis tout de même ravi d’avoir partagé cette bouteille avec toi. Franchemen­t, elle se montre très agréable à boire.

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Denis Saverot
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Olivier Poels

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