Les rouges du Langue doc et du Roussillon vieillissent-ils bien ?
La réponse avec notre dégustation du millésime 2010, dix ans après sa naissance
Si l’on ne doute pas du potentiel de garde des bordeaux et des bourgognes, qu’en est-il des cuvées de ces vignobles sudistes ? Réponse avec cette dégustation du millésime 2010, dix ans après sa naissance.
Les grands vins sont ceux qui traversent le temps. S’il est généralement admis qu’un grand pauillac, un grand pomerol ou un grand bourgogne peuvent vieillir avec grâce, il n’en est pas de même dans l’esprit de l’amateur pour les vins du Languedoc et du Roussillon. Cela tient d’abord à l’histoire de ces vignobles. Leur émergence est en effet plus récente et les premiers domaines phares émancipés de la coopération n’ont vu le jour que dans les années 90.
2010, MILLÉSIME CHAUD ET SEC MAIS ÉQUILIBRÉ
Et pourtant que de progrès accomplis en trente ans. La viticulture s’est adaptée au climat, les pratiques oenologiques ont progressé. À l’instar de Laurent Vaillé à la Grange des Pères, de nombreux domaines ont choisi l’agriculture biologique, ont opté pour des vinifications moins extraites, ont mieux dosé leur boisé pour produire de grands rouges. Mais étaient-ils armés pour affronter le temps ? C’est ce que nous avons voulu savoir en dégustant le millésime 2010.
Pourquoi 2010 ? Après une décennie passée en bouteille, ce millésime nous a semblé un bon étalon pour juger du potentiel de vieillissement des vins du Languedoc et du Roussillon. Millésime chaud et sec, 2010 est en effet plus équilibré que son prédécesseur 2009.
LA PATINE DU TEMPS RÉVÈLE LE CARACTÈRE DES TERROIRS
Mais que disent les vins aujourd’hui à l’aune de la dégustation ? Alors que certains vins s’avèrent confits et lourds, une grande majorité nous ont étonné par leur fraîcheur, quelques rouges requérant même davantage de patience pour s’épanouir pleinement. La patine du temps révèle également la personnalité de certains terroirs. Les belles surprises ne manquent pas dans plusieurs secteurs.
Saint-Chinian d’abord. L’appellation se distingue avec des vins équilibrés, encore jeunes. La variété de leurs expressions met en avant leur terroir : le schiste à la Linquière, l’argilo-calcaire au château Fonsalade ou les crès (galets roulés) au domaine Viranel.
ÀFaug ères, c’ est le caractère cendré des vins qui charme. Ils s’ouvrent peu à peu, tels les Grandes Ba st idesd’ Alqu ier ou Montfalette du Mas d’Alezon.
SOYEUX ET ÉLÉGANTS
En Pic Saint-Loup, les vins dévoilent des tanins soyeux et de fins arômes de rose séchée, comme dans les cuvées Sainte Agnès de l’Ermitage du Pic Saint-Loup ou La Grenadière du Mas Bruguière.
Terroirs d’altitude, les Terrasses du Larzac et Montpeyroux ont livré des rouges élégants. La Boda d’Aupilhac ou Les Combariolles du Mas Cal Demoura en témoignent.
Dans le Roussillon, ce sont les vins de Collioure qui offrent le plus de plaisir. Après dix ans, leur personnalité fumée et très digeste séduit.
TAILLÉ S POUR LA GARDE
En résumé, les rouges du Languedoc et du Roussillon vieillissent bien, voire très bien et s’invitent dans la cour des grands vins hexagonaux. Les 92 cuvées retenues ici, présentées par appellations d’est en ouest, le prouvent. Bonnes dégustations !
Conditions de la dégustation
Suite à un appel à échantillons, seuls 415 vins ont été réunis. Pour la plupart, ils proviennent des oenothèques privées des vignerons, les domaines ne conservant pas à l’époque leurs vins. Ils ont été dégustés à l’aveugle au Mas de Saporta, à Lattes, par Caroline Furstoss et Romain Iltis en octobre 2019. La plupart des prix indiqués ici sont ceux des vins affichés à leur sortie en 2011 ou en 2012.