La Revue du Vin de France

Paul Garcin : il vend son bordeaux bio en scooter à Paris

Au château Haut-Bergey, à Léognan, cet ex-musicien élabore un bordeaux différent qu’il n’hésite pas à vendre lui-même.

- Denis Saverot

Oui, les propriétai­res peuvent échapper au bordeaux bashing qui frappe tant de châteaux girondins. À condition de renouer avec les restaurate­urs et cavistes “branchés” qui reprochent aux bordeaux de n’être pas assez bio et qui critiquent leur distributi­on jugée déconnecté­e (lire l’article de Jean-Baptiste Thial de Bordenave, La RVF n° 627, décembre 2017).

Ces données, Paul Garcin les a en tête lorsqu’il prend en 2014 les rênes du château Haut-Bergey, joli cru de Léognan acquis par ses parents. Ex-musicien reconverti dans le vin, neveu de Daniel Cathiard (Smith Haut Lafitte), le jeune homme travaille depuis 2007 aux côtés du docteur Reynaud, un cacique de la Rive droite qui conseille le château. À l’époque, les affaires tournent mais l’approche du vin lui apparaît vite trop classique. « Je me baladais beaucoup dans le Rhône sud et la Loire, j’ai eu envie de faire des bordeaux différents, plus frais et tendus. »

En 2013, cet amoureux du chiffre 7 – il s’est marié un 7 juillet 2007 – décide de produire deux vins différents : d’un côté, le classique château Haut-Bergey, qui a son public ; de l’autre, un vin plus expériment­al, la cuvée Paul, à partir de raisins cultivés sans intrants et vinifiés avec des techniques plus douces.

Pour cela, Paul Garcin lance un pari risqué en climat océanique : passer en trois ans d’un travail convention­nel de la vigne (mais déjà sans herbicides) à la biodynamie, pour tous ses vins. « Pour la cuvée

Paul, nous avons aussi éliminé l’élevage en barriques au profit de cuves en inox et d’oeufs béton et préparons des tests en foudres » , explique le jeune homme.

Surtout, Paul Garcin change son approche commercial­e. S’il laisse les négociants de la place de Bordeaux vendre les 130 000 bouteilles de son Haut-Bergey, il se met à vendre “en direct” les 15 000 bouteilles de la cuvée Paul (aux environs de 20 euros, prix caviste). Pour cela, il s’appuie sur des agents bien implantés en région, souvent réputés pour leur portefeuil­le bio et haut de gamme. À Bordeaux, c’est Éric Clerc, qui a imposé Rayas et le Clos Rougeard sur les tables girondines, qui représente son vin.

À Paris, il restait à convaincre les bistrots branchés de servir sa cuvée Paul, un bordeaux sensuel et frais, véritablem­ent étonnant. Il décide de mouiller sa chemise. Ou plutôt il enfile son casque.

Aidé par son agent parisien, le réputé VinHOP, il devient le tout premier propriétai­re bordelais à enfourcher son scooter pour toquer lui-même à la porte des bistrots et bio et “nature” de l’Est parisien, du côté de Bastille et Charonne, pour vendre ses bordeaux biodynamiq­ues (certifié Demeter depuis 2018). Et ça marche : « Pendant des années, j’ai tenté de vendre seul mes vins, sans grand succès. Aujourd’hui, sur dix rendez-vous à Paris pour la cuvée Paul, je réalise six ventes ! » . Un taux exceptionn­el pour un bordeaux à Paris.

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Pour leur château Haut-Bergey, à Léognan, Paul et Marilène Garcin ont fait le choix de la biodynamie.

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