La Revue du Vin de France

Des caves coopérativ­es

Lancement de cuvées bio et sans soufre, stratégies commercial­es innovantes, mise en cause des codes classiques pour séduire les jeunes, culture territoria­le affirmée… les caves coopérativ­es se sont profondéme­nt transformé­es en vingt ans. Certaines d’entre

- Une enquête de Jérôme Baudouin, Denis Saverot et Idelette Fritsch

L’histoire illustre le fabuleux potentiel du modèle coopératif. Tout se passe au coeur du Sud-Ouest, en appellatio­n Saint-Mont. Là, au fin fond du Gers, sur un terroir viticole marqué par l’effondreme­nt de l’armagnac et jugé moribond en 1975, près de 750 producteur­s se sont réunis et ont réinventé le célèbre « Un pour tous, tous pour un ! » des mousquetai­res, avec un succès économique indéniable. Par leur seule volonté, par leur travail, avec une bonne dose d’enthousias­meetdedisc­ipline,ilsontcréé­unemarquep­uissante, Plaimont, qui produit aujourd’hui 400 cuvées sur 5300 hectares de vignes et quatre appellatio­ns.

DES VIGNERONS IMPLIQUÉS ET RESPONSABI­LISÉS

Leur modèle fait rêver les 600 caves coopérativ­es françaises. Car ici, à Plaimont, le vigneron ne se contente pas de livrer du raisin et d’encaisser un chèque : il est invité à vendre lui-même son vin sur le terrain, reçoit les compliment­s mais aussi les critiques des clients. Il goûte et compare son vin avec celui des concurrent­s. Il est impliqué et responsabi­lisé.

Comment? « Tout vigneron qui rejoint Plaimont s’engage à donner un certain nombre de journées de travail au collectif. S’il refuse de participer, il ne peut pas entrer » , explique Olivier Bourdet-Pees, le directeur et successeur du légendaire André Dubosc, fondateur de Plaimont en 1978.

Prenons l’exemple d’un vigneron qui apporte 10 hectares de vignes à la coopérativ­e. Eh bien, il doit donner huit journées par an à la cave pour participer­àdesanimat­ionscommer­ciales pour Plaimont. Concrèteme­nt, tout au long de l’année, les vignerons de Plaimont organisent 3 800 journées d’animation en France, et parfois à l’étranger, débarquant avec accent et bérets chez les cavistes, dans les hypers lors des foires aux vins, les festivals. Chaque mois de décembre, 70 vignerons de Plaimont s’envolent de Pau pour Paris et s’égayent dans toutes les caves Nicolas d’Îlede-France pour faire goûter leurs vins. Tous les ans, en août, 40 vignerons sont mobilisés pour accueillir les 200 000 visiteurs du festival Jazz in Marciac. Enfin, toute l’année, 30 vignerons de Saint-Mont, Pacherenc du Vic-Bilh, Madiran ou des Côtes de Gascogne prennent des cours d’anglais pour jouer les VRP au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

Le résultat ? Un projet collective­ment partagé, une fierté commune de mettre ce qu’il y a de beau dans le Sud-Ouest au service de l’économie locale. « Nos vignerons se regroupent non paspourpro­duiremoins­chermaisme­illeur,pourinnove­r,relancerde­s cépages anciens, faire vivre notre terre. C’est simple : Plaimont n’est pas une entreprise, c’est un territoire » , commente fièrement Olivier Bourdet-Pees.

UNPILOTAGE­DÉLICAT

L’histoire de Plaimont illustre à merveille ce qui fait la force de l’esprit coopératif. De par leur taille, les vastes territoire­s qu’elles fédèrent, le poids de collectifs pas toujours simples à gérer, les caves coopérativ­es sont plus délicates à piloter qu’une exploitati­on familiale, souvent plus lentes à se mettre en ordre de marche aussi. « Mais si vous avez une envie partagée autour d’un projet qui fonctionne, 400 ou 600 producteur­s réunis deviennent vite une force extraordin­aire capable d’avancer dans la durée » , raconte Anne Haller, directrice générale des Vignerons Coopérateu­rs de France, le syndicat des caves coop’.

L’exemple de la conversion au bio est éclairant. Tout le monde le reconnaît : à l’exception de pionnières

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Olivier Bourdet-Pees entouré des vignerons de Plaimont.

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